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Je postais il y a quelques jours sur Facebook un message pour dire ma passion pour la régression hypnotique. Cette technique, dont le but est de faire remonter une personne hypnotisée dans le temps, permet d’accomplir d’extraordinaires voyages intérieurs et ouvre la porte à de multiples possibilités de travail personnel.
J’oubliais toutefois dans mon enthousiasme à quel point cette technique est aussi le lieu de fantasmes, de peurs ou d’incompréhensions : de nombreux commentaires posaient ainsi des questions sur la méthode employée, ses possibilités et ses limites… Certains témoignages évoquaient même des régressions peu éthiques, loin de celles qui permettent, lorsqu’elles sont bien menées, une si belle ouverture à soi.
En lisant ces commentaires, l’envie m’est venue d’écrire ces quelques lignes : pour parler de la régression hypnotique, l’expliquer, et aussi briser quelques mythes. Et puis, surtout, j’aimerais ouvrir la porte à ceux qui pourraient avoir un jour envie de partir en voyage à l’intérieur d’eux-mêmes, de visiter l’histoire de leur construction personnelle.
Comme beaucoup de personnes, j’imagine qu’il vous arrive parfois, au gré d’un moment de nostalgie ou d’une simple envie de flâner dans le temps, d’ouvrir votre mémoire pour remonter dans un vécu plus ou moins ancien. Comme beaucoup de personnes, vous retrouvez à ces occasions des images, des sonorités… des paroles échangées, la vibration d’un lieu, l’odeur d’un parfum… Bien-sûr, il arrive aussi, parfois, que des souvenirs surgissent d’eux-mêmes : un visage nous rappelle une époque oubliée, une photo nous fait voyager dans l’enfance… un nom, un ton de voix, une musique… Une association d’idées est vite arrivée ! La pensée s’engouffre en un instant dans le flot du temps et nous entraîne dans son sillage.
Mais tout cela se passe dans un état de conscience proche de l’ordinaire : une simple introspection, volontaire ou non, permet ce voyage fugace et superficiel.
Imaginez maintenant ce qui devient possible dans un état hypnotique. Dans cet état, une pensée est plus qu’une pensée ordinaire. L’accès au souvenir est meilleur. L’accès aux mémoires sensorielles aussi : il y a un monde entre se souvenir d’une odeur, et la sentir réellement à nouveau. Un gouffre entre visualiser un visage de notre enfance, et être là, en face de cette personne : pouvoir l’entendre, lui parler, pouvoir la toucher.
Une fois la conscience ordinaire écartée, de nombreuses ressources deviennent disponibles. Mais cela peut aller encore plus loin…
On distingue généralement les régressions hypnotiques « dissociées » dans lesquelles le sujet est conduit dans un état d’hypnose relativement léger. Dans cet état, il replonge dans sa mémoire avec plus de facilité, retrouve des souvenirs anciens et des impressions oubliées. Déjà, il est capable d’un voyage qui ouvre à de nombreuses possibilités de compréhensions, de prises de conscience, de découvertes…
Il y a les régressions hypnotiques dans des états plus profonds. Elles permettent de retrouver une sensorialité élargie, de remonter plus encore dans le temps : la pensée habituelle s’efface pour laisser place à une pensée plus instinctive, émotionnelle, qui ouvre de nombreuses portes intérieures…
Et puis, il existe les régressions hypnotiques « associées ». Ici, l’expérience est complète : si la personne hypnotisée a 40 ans, quelques minutes après elle n’en a plus que 20, 10 ou 5. Parfois moins. Arrivée là, si elle ouvre les yeux, elle ne reconnaîtra le lieu où elle est, ni la personne qui l’accompagne. Elle est ailleurs, elle y est vraiment. 40 ans ? C’est un futur ! De la science-fiction. On ne se pose pas cette question à 5 ans ! On a d’autres choses à raconter à 5 ans. Bientôt, ce sera 5 ans et demie… mais même ça, c’est loin. Il y a un monde à découvrir d’ici là !
C’est ici que la régression devient merveilleuse… Quand, capable de replier le temps, une personne replonge réellement dans le passé. Le passé devient alors présent et le présent un futur. Les souvenirs de ce futur ne sont temporairement plus accessibles à la conscience. Ils sont temporairement enfouis, mis de côté, « censurés ». Et ce présent devient la totalité. Sensoriellement, émotionnellement, il devient la seule réalité tangible. Comme nous allons le voir ensuite, cette réalité est même susceptible d’en influencer une autre : de réécrire l’avenir…
La première chose qui m’étonne dans ce genre d’expériences, c’est la capacité qu’a notre esprit à accomplir de telles prouesses. N’est-ce pas saisissant ? Cela fait partie de ces expériences qui me font dire que nous dormons quotidiennement sur une mine de possibilités : en comparaison, la pensée et l’imagination du quotidien font pâle figure. Cela revient à comparer la charrette à bras à un lanceur de la N.A.S.A. ; les graphismes minimalistes du premier « Pong », à la réalité virtuelle en haute résolution ! Nous avons développé des sondes capables d’explorer jusqu’aux confins du système solaire, mais pour ce qui est du développement de nos possibilités internes, nous en sommes à l’âge de pierre.
Pourtant, s’il est déjà extrêmement plaisant de revivre « comme pour la première fois » des moments forts de notre existence (notre naissance, un coup de foudre amoureux, un moment de bonheur…), c’est le travail interne permis par la régression qui est, de loin, le plus passionnant : explorer le passé, c’est l’occasion de travailler sur sa construction personnelle, sur son évolution, d’explorer la genèse des limites apprises, des conditionnements ou encore des peurs qui nous habitent… et peut-être est-ce l’occasion de les transmuter.
Comme le dit avec humour Gustave Parking, « les grands mythes on fait de grands trous dans l’histoire ». Et s’il y a bien un sujet qui charrie des mythes qui lui nuise, c’est bien l’hypnose. Pour la régression, ils sont nombreux : tordons le cou aux principaux !
Faux. Si on constate que le simple fait d’être en hypnose nous permet d’accéder à une mémoire étendue et à des détails autrement inaccessibles, il n’est jamais certain que ces souvenirs retrouvés soient totalement exacts.
Tout d’abord, et contrairement à ce que l’on croit généralement, il est extrêmement facile de créer ou de se créer de faux souvenirs, même sans hypnose. De nombreuses personnes ont exploré cette question… et les résultats sont pour le moins effrayants : par exemple, il a été constaté dans le cadre d’enquêtes policières, que 30% des personnes innocentées par des examens ADN avaient pourtant avoué… des crimes qu’elles n’avaient pas commis.
Sans rentrer ici dans les détails, notre mémoire semble se reconstruire à chaque fois qu’on fait appel à elle et de nombreux biais peuvent l’influencer. Parmi eux, nos émotions, nos croyances, notre besoin de cohérence forment de véritables miroirs déformants. Et cela se passe dans un état ordinaire de conscience. Mais, ajoutez à cela un état hypnotique et vous amplifiez ces biais et autres déformations : dans ces états, l’accès à l’imaginaire est largement facilité et la pensée logique mise de côté. [1] [2]
Ainsi, si je pars dans mon passé en espérant y trouver quelque chose, je risque autant de le retrouver que de le créer. Dans ce cas, mon besoin de cohérence peut pousser mon imagination à créer un souvenir qui me semblera logique. Et bien entendu, si j’ai peur de trouver quelque chose, je me fais aussi une suggestion qui peut amener à construire ce que je fuis.
On pourrait en déduire un théorème : l’inconscient est prêt à nous créer un faux souvenir, si nous espérons qu’il existe, ou si nous avons peur qu’il existe.
Bien sûr, à côté de cela, il existe aussi des exemples étonnants de personnes capables de remontrer des informations vérifiables et extrêmement précises de souvenirs très anciens. De telles prouesses ouvrent la porte à une possible hypermnésie sous hypnose. Mais aucun moyen permet de discerner à coup sûr le vrai du faux, le concret du fantasmé.
Maintenant, est-ce un problème ? Non : on n’accompagne pas une personne en régression pour trouver une vérité ou pour mener une enquête. Un praticien en hypnose, qui a une éthique solide, refusera même catégoriquement une demande de vérité ! [3]
Une régression est proposée comme on le verra plus tard, pour explorer notre construction subjective et non la réalité objective.
Comme beaucoup, j’ai été bercé par ces histoires étranges : d’aucuns racontent qu’en retrouvant l’origine d’une problématique on s’en libérerait. Que la catharsis serait l’élément clef de tout accompagnement thérapeutique…
A cela je répondrai que j’ai reçu en consultation des centaines de personnes qui avaient eu accès à des remémorations de souvenirs traumatiques dans d’autres formes d’accompagnement. Invariablement leur discours était le même et elles sont venues me voir en me disant que ça n’avait rien changé. Pire même : certaines de ces personnes – et ce n’est pas rare – se sentaient encore plus mal après que l’amnésie qui les protégeait ait été levée. Combiné à l’idée précédente, on peut même se demander si dans le lot certains ne souffraient pas à cause de souvenirs créés de toute pièce par les suggestions d’un praticien peu au fait du problème des faux souvenirs… mais cherchant à tout prix une explication, une raison, un souvenir refoulé, pour justifier des problématiques présentes.
Ces personnes souffraient donc d’une plus grande proximité avec l’objet de leurs angoisses et de leurs peurs. Faire revivre un traumatisme, sauf à vouloir nuire à quelqu’un, s’avère être une bien mauvaise idée.
Et surtout, ce n’est pas du tout l’objet d’une régression en hypnose.
Tout se joue dans la petite enfance.
Non, là encore, ce sont de simples superstitions qui amènent à ce genre d’idée. Bien entendu, l’enfance et la petite enfance sont des moments importants de notre vie, mais une régression n’a pas toujours pour but d’aller aussi loin. Ramener quelqu’un aux premiers moments de sa vie est une chose impressionnante, une expérience marquante, et je suis persuadé que toute personne devrait la vivre au moins une fois. Toutefois, un excellent travail peut être accompli en remontant quelques années en arrière avec un sujet sous hypnose. Remonter à la racine, à l’intention première, n’est pas indispensable.
Mais alors, s’il ne s’agit pas de retrouver des traumatismes et de les revivre, si ce n’est pas toujours une régression dans la petite enfance, et si on n’est pas certain de la véracité de ce que l’on retrouve, pourquoi donc faire une régression ? A quoi sert donc cette technique ?
Peut-être, tout simplement, à explorer autrement le présent…
Clara a 30 ans, elle est venue me consulter pour des angoisses qui semblent être présentes, sans raison apparente ou connue : « depuis toujours ». Elles prennent de la place ces angoisses, de l’énergie aussi. Elles lui donnent la sensation de ne pas pouvoir avoir confiance en elle et encore moins en la vie. Elle se décrit comme « éteinte » et « rongée ». Ces angoisses prenant parfois la sensation d’un nœud dans sa poitrine, parfois celle d’un vide, d’une absence…
Elle parle peu et semble intimidée à l’idée de l’hypnose… mais est-ce par l’hypnose que les personnes sont intimidées, ou par l’idée de l’inconnu que l’on peut découvrir en entrant à l’intérieur de soi ? Comme beaucoup de personnes que j’ai pu croiser, elle a tenté de nombreuses solutions pour travailler sur elle et elle semble épuisée. Elle vient pour tenter quelque chose de nouveau, avec un peu d’espoir, au cas où… mais pas trop : « vous comprenez, j’ai peur d’être déçue… »
Rapidement, je lui propose une petite expérience pour modifier son état de conscience. Quelque chose de léger, pour commencer. L’idée d’y aller doucement semble la rassurer… et à peine les yeux fermés, elle s’abandonne, totalement, comme si se laisser guider était un soulagement…
Pourquoi avoir choisi d’aller vers une régression hypnotique avec Clara ? Il serait long d’expliquer ici en détail les raisons qui font que l’on choisit une approche plutôt qu’une autre pour accompagner quelqu’un : les facteurs de décisions sont multiples. mais, pour répondre à une question que l’on me pose parfois, ce n’est pas le client qui dit « je veux une régression ». On parle, on échange, et de là le praticien choisit ses outils et sa stratégie (Peut-être que ce thème fera l’objet d’un futur article ici).
Au fil des mots, l’état d’hypnose s’approfondit. Minute après minute un nouvel état de conscience prend naissance : dans celui-ci, la réalité est malléable. Un peu comme un forgeron qui porte son métal à haute température pour pouvoir le travailler, l’hypnotiseur chauffe l’esprit de son sujet pour le faire passer de la rigidité des conditionnements à la fluidité et la plasticité d’une liberté intérieure.
Puis, vient le moment de remonter dans le temps : je lui propose de retourner, progressivement, vers une époque de sa vie où cette angoisse n’existait pas encore.
Elle a 4 ans. Son visage n’exprime plus le poids des ans, une innocence s’y dessine. Elle me dit quelques mots, des mots simples ; prononcés avec une voix d’enfant. Elle semble joyeuse. Elle semble attendre quelque chose. Je lui demande de prendre du recul, de se regarder depuis l’extérieur. De se regarder avec tout son esprit.
Elle a 30 ans. Elle observe une ancienne version d’elle-même qui a 4 ans. Une émotion monte, des larmes. « Je sais où elle est : chez mes grand parents. Ce jour, c’est le dernier où elle…. où je verrais mon grand-père. Je l’aimais si fort… ». D’autres émotions, plus fortes encore, remontent à la surface. A cet instant, elle sait ce que cette petite fille va vivre, ce qu’elle va éprouver : elle connait son avenir puisque c’est son passé. Ce jour est celui d’une première rencontre avec la mort, avec le vide et l’absence. Elle sait aussi une chose, importante et même déterminante : elle sait ce que cette ancienne elle-même, à 4 ans, n’a pas pu dire. Elle sait ce qu’elle aurait aimé entendre aussi et qu’on ne lui a pas dit. Il y a l’événement en lui-même et il y a la façon dont il a été traversé. Alors je lui suggère d’aller la rencontrer, dans ce moment ou tout va bien, ce calme avant la tempête. Elle s’approche. Un contact. Elle lui/se parle, lui/se prend la main. Elle lui murmure quelques mots… lui donne ce qu’elle-même n’a pas eu. Elle soigne par avance cette petite fille qu’elle connait si bien : elle prépare sa résilience. Elle trouve les mots justes, le bon regard, la bonne intention…
Je lui suggère de laisser passer quelques jours : le temps avance. Elle voit cette ancienne Clara, cette fois dans le chagrin. Elle va la voir à nouveau, et là aussi elle trouve les mots…la prend dans ses bras et l’autorise à se libérer de l’angoisse naissante. Elle rassure, console et comprend.
Je lui suggère de laisser passer quelques jours encore. Une autre rencontre, d’autres émotions… mais cette fois, la petite fille qu’elle voit est légèrement différente de celle qu’elle-même a été : elle a pris une autre direction. Quelques mots, des émotions partagées, une attention, un contact… c’est si peu de choses en apparence ! Mais le passé se réécrit à partir de ce décalage minime.
Elle sent cette différence. Elle sent que cette ancienne version d’elle-même a pris un chemin nouveau. Mais quel est l’écho de ce changement à travers le temps ? Je lui propose d’abandonner le présent, de devenir cette Clara de 4 ans, et de cheminer à partir d’elle vers l’avenir.
Elle a 4 ans, et elle sourit. Elle me dit quelques mots avec sa voix d’enfant. Quelque chose est différent dans son regard : un éclat, une maturité aussi… une liberté, une légèreté.
Le temps avance, le futur se précipite à nouveau… les années défilent et nous revenons au présent partagé.
A l’intérieur de Clara, il y avait toujours eu une petite fille de 4 ans qui n’avait pas pu apaiser son angoisse. Désormais, cette partie d’elle a grandi elle aussi.
Elle ouvre les yeux, l’éclat est là. Son sourire, lui aussi, témoigne du changement intérieur. Elle porte la main à sa poitrine, comme si elle cherchait quelque chose…. « il n’y a plus de vide, c’est plein ». Elle émerge. On ne revient pas à soi après une séance d’hypnose, tout comme on ne revient pas tout à fait d’un voyage : dans les deux cas, celui qui revient n’est pas tout à fait celui qui est parti. Pour elle, ce présent est différent. Son corps l’est aussi : il est libéré du poids du passé.
“La conception que tout individu a du monde est et reste toujours une construction de son esprit, et on ne peut jamais prouver qu’elle ait une quelconque autre existence.” Erwin Schrödinger, L’esprit et la Matière.
La régression hypnotique ne se cantonne pas à la technique présentée dans ce cas : on peut aussi l’utiliser pour retrouver des capacités anciennes, se reconnecter à de vieux apprentissages et pour bien d’autres choses encore … l’outil est vaste et cet article ne prétend pas faire l’inventaire de ses possibilités.
L’idée est en tout cas de travailler sur notre construction personnelle. Nous nous racontons une histoire sur nous-mêmes, et cette histoire, nous l’appelons le passé. Cette histoire n’est pas objective, elle est mouvante et à la lumière d’une nouvelle information il nous arrive de la transformer. Parfois, en cheminant à travers les âges, en avançant dans notre vie, nous vivons un événement qui nous marque profondément, qui nous blesse et nous déstabilise. Nous n’avons ni les outils, ni les connaissances, ni le recul pour le gérer. Alors nous continuons à avancer en laissant une partie de nous en arrière, engluée dans le passé.
Puis, en suivant notre chemin, nous prenons de l’expérience, de la force, de la sagesse et bien d’autres qualités encore.
Ainsi transformés, nous pourrions retourner en arrière et libérer cette partie que nous avons abandonnée sur le chemin… mais peut-être l’avons-nous oubliée ? Peut-être n’avons-nous pas l’idée d’aller la chercher ? Peut-être ne savons-nous pas que c’est possible… et peut-être, tout simplement, que notre état de conscience ordinaire ne nous permet pas de retourner là où elle nous attend depuis si longtemps.
En hypnose, il est possible de se souvenir, de revenir. De donner, de réparer et de faire grandir.
Beaucoup de personnes ont abandonné des parties d’elles-mêmes sur leur chemin…
Elles sont toujours là, à les attendre.
Il suffit de fermer les yeux…
Kevin FINEL
1 : http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0956797614562862
2 Loftus, E. F. 2005. “Planting misinformation in the human mind : A 30 year investigation of the malleability of memory”.
3 : http://www.prevensectes.com/psycho2.htm
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