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]]>J’écris un livre sur l’hypnose. C’est prévisible n’est-ce pas ? Sans doute. Pourtant, ces derniers temps, d’autres envies d’écriture prennent vie dans mon imagination. Je les retiens. C’est que… Je n’ai jamais vraiment écrit sur l’hypnose ! Quatre livres sur l’autohypnose, un sur la communication hypnotique avec mon complice Jean Dupré… Mais jamais rien sur l’hypnose. Quand j’y pense, ce n’est pas très sérieux… Il est temps de s’y mettre : les romans attendront encore un peu…
Plus précisément, ce livre est orienté vers la pratique, il consiste en une sorte de manuel, une méthode. Cela a déjà été fait ? Oui, d’une certain façon… Mais – je crois – pas dans cet esprit.
Je lis à peu près tout ce qui paraît sur l’hypnose. Il y a des auteurs que j’aime, qui ont inspiré ma pratique : Erickson, O’Hanlon, Rossi, Watzlawick, Roustang et quelques autres… Mais il y a un livre que je n’ai jamais lu. Un livre qui apprend réellement comment on pratique l’hypnose, des bases aux outils avancés. Un livre qui décompose, qui entre dans l’infiniment petit de l’hypnose, tout en donnant une vision globale des méthodes. Qui parle des processus de changement, allant puiser dans ceux des traditions anciennes autant que dans l’apport des neurosciences…
Pourtant, quand je pense à mes débuts, ce livre j’aurais aimé le lire. Peut-être est-ce le rappel de ce manque qui guide aujourd’hui mon envie écrire ? L’envie de tenter de donner à d’autres ce que je n’ai pas eu quand j’ai abordé cette discipline ?
Au fond, l’idée d’écrire ce livre n’est pas récente : à chaque fois que je réécris le programme des formations données à l’arche, je me dis qu’il y a matière à en faire un livre. Mais à chaque fois, les idées évoluent. Un nouveau programme est à peine sorti que j’envisage les prochaines évolutions, guidé par une éternelle insatisfaction… C’est que ça fige les idées d’écrire ! Ça a un côté effrayant de figer une pensée en évolution.
Mais là, ça y est. L’écriture est lancée. Et au fil des pages, je me rends compte qu’il était grand temps…
C’est qu’après plus de 15 ans de pratique, il y a un style qui s’est dessiné : il est temps d’en rendre compte. Avec les années, est née une façon de penser l’hypnose, de la pratiquer, de façonner les états de conscience, de comprendre comment influencer cet équilibre précaire et limité qu’on nomme souvent « état ordinaire de conscience ». Je l’ai parfois un peu expliqué dans des cabinets publics, mais c’était par bribes, à la volée et sans cohérence.
L’Arche a été un lieu de gestation pour ce style. J’y ai jeté les premiers ingrédients et puis d’autres s’y sont retrouvés, s’en sont inspirés… et ont apporté leur pierre à l’édifice. Un groupe s’est créé, puis une école, une équipe. Elle est dynamique, exigeante, insatiable… il y règne une joyeuse émulation née de l’envie de faire murir l’hypnose, d’ériger cette pratique en art.
Parmi de nombreuses idées motrices, il en est quelques-unes auxquelles je tiens particulièrement, et qui pour moi définissent cette hypnose « archienne » :
Après plus de 15 ans, il est sans doute temps de partager toutes ces idées, de les détailler, de les mettre en théories et en exemples. Et puis, je sens bien que je suis plus proche de la fin de mon parcours dans l’hypnose que du début… D’autres envies prennent vie dans mon imagination. Je les retiens encore un peu…
Après une vingtaine de jours à Venise, il y a près de 200 pages. Je n’en suis pas à la moitié. Le chantier est plus long que prévu ! C’est bien : qu’il dure : c’est qu’il y a beaucoup à partager ! Je sens aussi que quelques articles vont ponctuer la suite de cette rédaction : à suivre…
K.F.
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]]>Récemment, a été publiée sur la chaine YouTube de l’Arche une séance d’hypnose tirée d’un cabinet public et dans laquelle je travaillais avec un jeune homme qui désirait stopper sa consommation de cannabis*. J’ai depuis reçu quelques questions intéressantes à ce sujet, notamment de la part de personnes qui souffrent de dépendances à différentes substances comme la morphine, l’alcool, différents types de somnifères ainsi que d’autres drogues plus ou moins douces …
Aussi, j’ai eu envie de partager quelques réflexions sur ce sujet, d’expliquer les pistes explorées dans cette séance à travers deux cas complémentaires qui me semblent emblématiques de ce type de travail. Je précise ici, fidèle à ma vision de l’hypnose, que je ne considère pas ce travail comme visant à réparer ou à soigner la dépendance. A mon sens, il s’agit d’explorer et possiblement d’aider à libérer en créant de nouvelles options. L’hypnose est avant tout une méthode de pédagogie cognitive, nous permettant de mieux utiliser nos possibilités.
*pour ceux qui le souhaitent, la séance en question est visible ici : https://www.youtube.com/watch?v=nv8SXFvGJlw
Mon intime conviction est que nous aurions bien moins de problèmes de dépendance et d’addiction dans notre société si nous pouvions inclure dans l’éducation une sensibilisation à l’exploration des états de conscience.
Avez-vous l’impression de pouvoir créer l’état interne dont vous avez besoin à chaque instant ? Savez-vous par exemple vous concentrer quand il le faut ? Vous endormir très rapidement quand vous le décidez ? Vous détendre en cas d’envie ou de besoin ? Changer d’état d’esprit quand quelque chose vous préoccupe ? Déclencher votre créativité ou augmenter votre confiance pour franchir un obstacle ou une épreuve ?
Même si vous répondez positivement à toutes ces questions, vous avez sans doute conscience que ce n’est pas le cas pour une immense majorité d’individus dans notre société. Combien d’enfants rencontrent des problèmes de concentration ? Combien de personnes sont prises par le stress de leur travail même quand elles rentrent chez elles ? Pire encore : si on questionne, par exemple, des personnes qui ont un bon sommeil ou une bonne gestion de leur stress, elles n’ont généralement aucune idée de la façon dont ça fonctionne. Aussi, si un jour quelque chose dérègle leurs bonnes habitudes, elles ignorent comment s’adapter à la situation.
Je ne suis pas partisan d’un total contrôle de soi, ou de l’optimisation permanente que notre société nous vend parfois. La course à la performance promue par le développement personnel m’a toujours repoussé… Mais ce que j’évoque ici relève d’une simple recherche de liberté : il me semble qu’un être humain devrait pouvoir choisir en toute simplicité l’état interne dans lequel il se trouve. Il devrait être capable de s’adapter en fonction de ses besoins et de la situation rencontrée. Ce que je constate, c’est que peu de personnes savent comment y parvenir. Dans nos sociétés, si une personne a besoin d’un état qui lui échappe, elle cherchera non pas une solution intérieure mais une solution extérieure : c’est à ça que nous sommes conditionnés et je pense que c’est un terrain propice à la dépendance. Ça commence par un petit somnifère ou un calmant léger après une journée stressante ou avant un événement important par ces pilules qui boostent les capacités des étudiants ou encore un verre de vin pour se détendre ou se sentir plus à l’aise en société… Mais que se passe-t’il quand ces substituts deviennent un peu plus que du confort, quand ils apparaissent comme indispensables ?
Si nous avions une éducation aux états de conscience, nous serions capables d’analyser l’effet du somnifère, de le modéliser pour ensuite le reproduire et créer plus facilement le sommeil. Dans un tel cas, on se retrouverait dans une étape d’apprentissage normale. Cette forme d’éducation n’existe pas – pas encore ? – mais l’hypnose rend possible un tel apprentissage.
Je me souviens encore des deux expériences qui m’ont mené à réaliser l’étendue de ce potentiel, et qui ont conduit à ce qui est esquissé dans cette vidéo. Je travaillais alors avec un violoniste qui cherchait à atteindre le fameux état de «flow». Cet état, longuement décrit par la psychologie positive, nommé aussi « état optimal », peut s’apparenter à un état de forte inspiration, caractérisé par une puissante sensation de fluidité et d’évidence.
Ce musicien, d’une quarantaine d’année, était venu me voir pour tenter d’accéder plus facilement et surtout plus régulièrement à cet état. Comme souvent en hypnose, le travail commence par une collecte d’informations subjectives : je lui posais donc de nombreuses questions afin de l’aider à décrire avec précision l’état recherché. Tout le monde peut bien sur accéder à cet état, mais il semble prendre des caractéristiques uniques pour chaque personne : parfois il est riche de sensations, tandis que pour d’autres il semble être un état dissocié du corps et du ressenti. Il s’accompagne parfois d’un état de fusion avec le monde et l’environnement… et à d’autres moments il donne à ceux qui le vivent l’impression d’être dans une bulle, coupé du reste du monde.
Pour ce musicien, l’état obtenu s’apparentait énormément à ce qui est décrit par les personnes qui prenaient du lsd dans les années 60. J’ai retrouvé depuis, avec d’autres musiciens et artistes en général, des paramètres similaires. Chose au final peu étonnante quand on sait qu’une grande partie des succès de ces années a été composée dans des états obtenus par ces substances, légales à l’époque…
Lui, le nommait « l’état de grâce » et le vivait sous une forme quasi mystique. Cet état lui arrivait parfois, sans crier gare, à n’importe quel moment de la journée… dans cet état, pour reprendre ses mots, sa musique était inspirée, les sons plus purs et son corps, en jouant, paraissait animé par une force extérieure. Quant à lui, il ressentait un état proche de l’extase.Sous hypnose, nous avons donc passé plusieurs séances pour ouvrir un chemin menant à cet état. J’emploie cette métaphore à dessein : j’avais vraiment l’impression d’avancer avec lui en territoire inconnu, dans la jungle de son inconscient, à chercher la piste menant à un lieu magique mais caché et secret.
La première fois, le «trajet » pris près de 2 heures. Il y avait de nombreuses résistances à dépasser : des croyances limitantes, des peurs du présent et des peurs anciennes… Apparaissant sous forme d’obstacles ou de véritables monstruosités générés par son inconscient… Mais une fois arrivé, il devient radicalement différent : apaisé, irradiant d’une joie intense et assez contagieuse.
De mémoire, nous nous vîmes 5 ou 6 fois, et à chaque fois il s’agissait de retourner vers cet endroit, avec plus d’aisance. A chaque séance, sa confiance grandissait, jusqu’au moment où il n’a plus eu besoin de moi pour y retourner. A la dernière séance, il me dit en arrivant qu’il avait pu retrouver cet état plusieurs fois au cours de la semaine écoulée, qu’il y allait désormais instinctivement, mais qu’il en ressortait après pour conserver un rapport normal avec le quotidien : il est vrai que dans cet état il semblait un peu décalé et béat.
Je crois que cette exploration fut aussi marquante pour lui que pour moi : elle m’a ouvert la porte à de nombreuses réflexions et fait avancer sur la quête de ces états de conscience absolus, tels que ceux décrits dans de nombreuses traditions de part de monde.
A la même époque, j’accompagnais avec un écrivain alcoolique. Ecrire sans sa bouteille de rhum était pour lui inimaginable. Tandis qu’il me racontait son addiction et son incapacité à obtenir son état créatif en restant sobre, le lien avec mon musicien est apparu comme une évidence : si j’avais pu aider ce violoniste à se recréer un ressenti digne d’un état de « high », je pouvais bien aider un écrivain à accéder à l’inspiration. La différence, c’est que lui savait trouver son état désiré : sa porte d’entrée personnelle était l’alcool. Pour ma part, j’étais persuadé que les mots feraient un guide tout aussi efficace.
Je prenais des rdv avec lui le matin, seule solution pour l’avoir dans un état de conscience ordinaire et bien entendu je me servais de son imagination, plus développée que la moyenne.J’usais de placebos : nous remplissions un verre d’eau qu’il buvait à petites gorgées en imaginant que c’était son rhum habituel. Dans un léger état d’hypnose, suffisant pour qu’il hallucine l’odeur et le goût de l’alcool, je lui demandais de décrire les effets que ce premier verre devait avoir sur son organisme et ses perceptions.J’attirais son attention sur les sensations de son corps pour amplifier le vécu. Sa mémoire de milles cuites l’aidait à me décrire le processus avec précision. Une heure plus tard, mon bonhomme était passablement soul, avait du mal à articuler et me disait avoir besoin d’une feuille et d’un crayon pour noter les idées qui commençaient à jaillir dans son esprit ouvert ! Je le laissais se concentrer quelques minutes à son art et constatait en effet qu’il semblait à l’aise pour créer dans cet état.
Je l’ai ensuite ramené à son état normal en défaisant ce que nous avions construit.Nous avons alors convenu que cet état pouvait se créer sans alcool. Même pour un écrivain, habitué à flirter avec l’imagination et conscient du pouvoir des mots, l’expérience était troublante. Redevenu sobre, sans effets secondaires, il n’avait qu’une envie : vérifier que ce n’était pas un coup de chance.
Plusieurs séances ont ensuite été nécessaires pour affiner ce travail : comme pour le violoniste, il s’agissait de baliser un chemin, un trajet mental, de l’aider à l’arpenter dans un sens et dans l’autre.Il faut ici prendre en compte un élément important : l’imagination est mouvante. Retrouver un état de conscience précis consiste en quelque sorte à se repérer dans une forêt dans laquelle tout est susceptible de se déplacer, sans logique apparente. Retrouver son chemin n’est pas de tout repos et les points de repère ne sont pas toujours évidents…
Une fois ce travail effectué, nous avions tous les deux envie d’aller un peu plus loin : si son cerveau pouvait lui faire ressentir cet état, qu’est ce qui nous empêchait maintenant de l’améliorer ? Pourquoi ne pas créer un état qui contient les éléments recherchés dans l’état d’ébriété, en enlevant les aspects désagréables ? Pourquoi ne pas amplifier certaines caractéristiques utiles ? On dit souvent que notre inconscient n’a de limites que celle de notre imagination… alors l’exploration a continué, jusqu’à donner vie à un état bien plus intéressant que celui que le rhum était capable de générer.
Je suis resté en contact assez longtemps avec lui, ayant ensuite reçu plusieurs membres de sa famille en accompagnement. Un jour, il m’a dit avoir presque stoppé sa consommation d’alcool, mais sans l’avoir vraiment recherché : boire un verre dans un cadre amical lui était agréable, mais une fois seul il préférait jouer avec son inconscient par lui-même quand il avait besoin d’écrire ou en cas de stress. Il nommait ça ses « cuites oniriques » et se sentait évidemment en bien meilleure forme physique…
J’ai depuis utilisé cette méthode pour aider de nombreuses personnes. Bien entendu, elle n’est pas toujours suffisante ni efficace à tous les coups. Il faut aussi savoir que dans ces deux exemples, les échanges avec ces personnes incluaient un certain travail sur leur identité ainsi qu’une prise en compte des bénéfices secondaires liés aux problématiques rencontrées. Dans d’autres cas, il est important d’explorer les conséquences systémiques : familiales bien entendu, mais aussi professionnelles, et bien d’autres choses encore…
Je suis persuadé qu’avec une meilleure pédagogie des états de conscience, les comportements addictifs seraient bien moins fréquents, y compris chez les adolescents. Tout le monde aurait ainsi la possibilité d’explorer de nouvelles possibilités intérieures, de développer régulièrement de nouvelles capacités. Dans les cas exposés ici, il s’agissait de recherches autour de l’inspiration et de la créativité. Dans la séance vidéo le besoin était celui d’un simple -mais important – état de bien-être… Les recherches sont multiples et variées.
Imaginez ce que serait une société où tout le monde est initié à l’exploration des états de conscience et puisse explorer dès le plus jeune âge son immensité inconsciente ?
Kévin FINEL
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]]>Elle me parle cette voix. Les mots semblent avoir un poids, une force. Les mots s’infiltrent, comme s’ils allaient un peu plus loin que des mots ordinaires, comme s’ils voulaient atteindre une part de moi qui n’est pas habituée à être attentive à des mots. Ils me bercent ces mots, et je tangue.
Je me suis posé des questions avant cette séance. Ce sont des questions bien ordinaires, quand on ne sait pas. C’est qu’il n’est pas simple ce mot, hypnose : il en contient des questions, pour un si petit mot. Elles débordent de lui ces questions, elles l’entourent, elles le rendent difficile à lire. Il est entouré de brouillard ce mot.
Maintenant, c’est moi qui suis dans le brouillard. Quelque chose m’échappe. Je le sens, mais je ne sais pas le dire avec précision. On dirait l’un de ces moments, le matin, où on connait le rêve que l’on vient de vivre, mais où on ne peut déjà plus le formuler. Vous savez : les mots ne collent plus au rêve, ils glissent, ils se détachent, on les perd… alors les images s’éloignent et s’effacent. Quand les mots ne peuvent plus atteindre les rêves, les organiser en pensées, ils disparaissent. On s’éveille, et le brouillard avale les rivages du rêve.
Je ne sais pas à quoi je m’attendais au juste. Je m’attendais à quelque chose pourtant en allant faire cette séance. J’ai lui ait dit, à l’hypnotiseur, que je voulais tester, juste tester. Il m’a regardé avec un air entendu. L’air de quelqu’un qui a déjà entendu ça mille fois. Il a été poli : il a fait comme si c’était pour la première fois.
On s’est parlé un peu. On a parlé de moi je crois. Je ne suis pas certain d’avoir vraiment dit quelque chose d’important avec le recul. C’est que c’est quelque chose de parler de soi, comme çà, à un inconnu… Alors ça a été presque un soulagement quand il m’a demandé de fermer les yeux. Enfin, je crois qu’il me l’a demandé. Ça m’a semblé être la chose à faire, sur le coup, de fermer les yeux. Pour l’écouter, pour me laisser conduire par cette voix, par ses mots.
Et là, dans ce brouillard, ma main se soulève. C’est une chose étrange qu’une main qui se lève, quand elle le fait toute seule, je peux vous le dire ! D’habitude c’est moi qui la soulève, qui la bouge. Mais là, elle le fait sans moi. Et ce n’est pas un mouvement réflexe. Je sais ce que c’est un mouvement réflexe : on a la sensation que notre corps pense plus vite que nous, qu’il sait ce qu’il a à faire. Je sais aussi que mon corps sait faire des mouvements, comme ceux de la respiration par exemple, pendant que je suis occupé à d’autres choses. Je n’y pense pas à tous ces mouvements. Personne n’y pense : ils sont ordinaires, communs, connus… Mais là, c’est autre chose. Elle se lève autrement cette main : elle se lève et elle semble avoir quelque chose à faire. Elle se lève, car les mots, avec tout leur poids, le lui demandent. Cette main, qui m’est si familière, elle bouge par les mots et pas par moi. Son mouvement n’est pas le mien. Et puis – je le sais- je n’aurais pas bougé ma main comme ça moi.
Et, puisque ce n’est pas « je » qui lève la main, c’est qu’il y autre chose en moi que la partie qui dit « je ». Il y autre chose en moi que cette partie qui pense ces mots… et cet autre chose, là, pendant que j’ai les yeux fermés, est en train de bouger ma main. C’est perturbant, dérangeant, mais je crois que je le savais. Je crois que je m’en souviens.
Est-ce ça l’hypnose ? La découverte de cette autre chose ? La découverte qu’on est plusieurs à l’intérieur ? Est-ce ça, un hypnotiseur ? Quelqu’un qui sait parler à cette partie de nous ? Qui sait la trouver quand elle est inaccessible pour nous ?
Il dit, l’hypnotiseur, que la main va venir toucher mon visage. Elle l’écoute ! Elle infléchit son mouvement. Elle me semble joyeuse ma main, ce qui est une idée bien étrange quand on y songe. Elle emporte mon bras dans un lent mouvement, et j’ai le temps de le penser venir jusqu’au visage. J’entends la voix, elle dit : « Vous comprenez maintenant que les mots peuvent agir sur vous, sur votre corps, sur votre monde, n’est-ce pas ? Ceci transforme votre réalité ordinaire et le lien que vous entretenez avec elle… alors le doute apparaît… »
Ce ne sont que des mots, mais ils façonnent ma réalité. Ils agissent, ils remuent. Ils fissurent ce que je croyais être moi, l’unité à laquelle je m’attachais. Cette main, elle touche mon visage. Elle le découvre. Il y a quelque chose d’incertain en moi. Ce que je suis redevient incertain… et c’est une sensation bien agréable. Que c’est bon de douter, de ne plus être prisonnier de la certitude ! Je pensais être « un ». Mais je suis deux, et sans doute plus encore…
La main touche le visage. Il est étrange ce contact. Est-ce bien moi que je touche ? Je ne sais pas si l’autre est le visage, ou si l’autre est la main. Je suis l’un ou l’autre, mais je ne sais pas lequel.
Ce geste, si lent, il me raconte quelque chose. Il me parle de toutes les fois où mon corps a tenté de me dire quelque chose. Il me parle de toutes ces parts de moi que j’ai censurées. Il me parle des autres facettes de moi que j’ai oubliées.
La main touche un visage. Ce visage est un masque. La main est une marionnette. Je ne suis ni l’un ni l’autre. Je ne suis pas la partie qui dit «je » : elle n’est qu’une toute petite partie, au fond. Comment ai-je pu croire qu’elle était la totalité ?
Un silence. Intérieur, extérieur. Une sensation de paix. Je sens que j’apprends et que je change. Un nœud se défait en moi. C’est apaisant. C’était si simple en fait…
Je me souviens maintenant pourquoi je suis venu faire cette séance. Je me souviens de ce que je n’ai pas dit à l’hypnotiseur. Je n’aurais pas pu le dire de toute façon, je ne m’en souvenais pas avant cet instant. Comment ais-je fait pour oublier ?
C’est si simple. Je veux m’en souvenir après cette séance !
La main redescend. Ce mouvement, me semble plus proche. C’est ma main et je me l’approprie à nouveau. Le brouillard se dissipe. Ma main se pose et mon corps se réveille. Ce n’est peut-être pas le bon mot : réveil.
Je remonte. Est-ce bien l’hypnose qui a fait bouger ma main ? Ou ai-je fait semblant ? Il y a quelque chose dont je voulais me souvenir. C’était important non ?
La voix disparaît dans un murmure. Elle était agréable cette voix.
J’ouvre les yeux. Je me sens bien. Je suis là. Ai-je vraiment été hypnotisé ?
C’est étrange : le mot réveil ne me semble pas convenir. J’ai plutôt l’impression, à l’inverse, que c’est maintenant que je m’endors. J’ai l’impression de retourner dans un vieux songe…
Mais quelque chose a changé. Dans mes pensées, dans mon regard, dans ma respiration, il y a quelque chose de différent.
Et puis d’un coup, dans cette réalité, je me souviens…
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Je postais il y a quelques jours sur Facebook un message pour dire ma passion pour la régression hypnotique. Cette technique, dont le but est de faire remonter une personne hypnotisée dans le temps, permet d’accomplir d’extraordinaires voyages intérieurs et ouvre la porte à de multiples possibilités de travail personnel.
J’oubliais toutefois dans mon enthousiasme à quel point cette technique est aussi le lieu de fantasmes, de peurs ou d’incompréhensions : de nombreux commentaires posaient ainsi des questions sur la méthode employée, ses possibilités et ses limites… Certains témoignages évoquaient même des régressions peu éthiques, loin de celles qui permettent, lorsqu’elles sont bien menées, une si belle ouverture à soi.
En lisant ces commentaires, l’envie m’est venue d’écrire ces quelques lignes : pour parler de la régression hypnotique, l’expliquer, et aussi briser quelques mythes. Et puis, surtout, j’aimerais ouvrir la porte à ceux qui pourraient avoir un jour envie de partir en voyage à l’intérieur d’eux-mêmes, de visiter l’histoire de leur construction personnelle.
Comme beaucoup de personnes, j’imagine qu’il vous arrive parfois, au gré d’un moment de nostalgie ou d’une simple envie de flâner dans le temps, d’ouvrir votre mémoire pour remonter dans un vécu plus ou moins ancien. Comme beaucoup de personnes, vous retrouvez à ces occasions des images, des sonorités… des paroles échangées, la vibration d’un lieu, l’odeur d’un parfum… Bien-sûr, il arrive aussi, parfois, que des souvenirs surgissent d’eux-mêmes : un visage nous rappelle une époque oubliée, une photo nous fait voyager dans l’enfance… un nom, un ton de voix, une musique… Une association d’idées est vite arrivée ! La pensée s’engouffre en un instant dans le flot du temps et nous entraîne dans son sillage.
Mais tout cela se passe dans un état de conscience proche de l’ordinaire : une simple introspection, volontaire ou non, permet ce voyage fugace et superficiel.
Imaginez maintenant ce qui devient possible dans un état hypnotique. Dans cet état, une pensée est plus qu’une pensée ordinaire. L’accès au souvenir est meilleur. L’accès aux mémoires sensorielles aussi : il y a un monde entre se souvenir d’une odeur, et la sentir réellement à nouveau. Un gouffre entre visualiser un visage de notre enfance, et être là, en face de cette personne : pouvoir l’entendre, lui parler, pouvoir la toucher.
Une fois la conscience ordinaire écartée, de nombreuses ressources deviennent disponibles. Mais cela peut aller encore plus loin…
On distingue généralement les régressions hypnotiques « dissociées » dans lesquelles le sujet est conduit dans un état d’hypnose relativement léger. Dans cet état, il replonge dans sa mémoire avec plus de facilité, retrouve des souvenirs anciens et des impressions oubliées. Déjà, il est capable d’un voyage qui ouvre à de nombreuses possibilités de compréhensions, de prises de conscience, de découvertes…
Il y a les régressions hypnotiques dans des états plus profonds. Elles permettent de retrouver une sensorialité élargie, de remonter plus encore dans le temps : la pensée habituelle s’efface pour laisser place à une pensée plus instinctive, émotionnelle, qui ouvre de nombreuses portes intérieures…
Et puis, il existe les régressions hypnotiques « associées ». Ici, l’expérience est complète : si la personne hypnotisée a 40 ans, quelques minutes après elle n’en a plus que 20, 10 ou 5. Parfois moins. Arrivée là, si elle ouvre les yeux, elle ne reconnaîtra le lieu où elle est, ni la personne qui l’accompagne. Elle est ailleurs, elle y est vraiment. 40 ans ? C’est un futur ! De la science-fiction. On ne se pose pas cette question à 5 ans ! On a d’autres choses à raconter à 5 ans. Bientôt, ce sera 5 ans et demie… mais même ça, c’est loin. Il y a un monde à découvrir d’ici là !
C’est ici que la régression devient merveilleuse… Quand, capable de replier le temps, une personne replonge réellement dans le passé. Le passé devient alors présent et le présent un futur. Les souvenirs de ce futur ne sont temporairement plus accessibles à la conscience. Ils sont temporairement enfouis, mis de côté, « censurés ». Et ce présent devient la totalité. Sensoriellement, émotionnellement, il devient la seule réalité tangible. Comme nous allons le voir ensuite, cette réalité est même susceptible d’en influencer une autre : de réécrire l’avenir…
La première chose qui m’étonne dans ce genre d’expériences, c’est la capacité qu’a notre esprit à accomplir de telles prouesses. N’est-ce pas saisissant ? Cela fait partie de ces expériences qui me font dire que nous dormons quotidiennement sur une mine de possibilités : en comparaison, la pensée et l’imagination du quotidien font pâle figure. Cela revient à comparer la charrette à bras à un lanceur de la N.A.S.A. ; les graphismes minimalistes du premier « Pong », à la réalité virtuelle en haute résolution ! Nous avons développé des sondes capables d’explorer jusqu’aux confins du système solaire, mais pour ce qui est du développement de nos possibilités internes, nous en sommes à l’âge de pierre.
Pourtant, s’il est déjà extrêmement plaisant de revivre « comme pour la première fois » des moments forts de notre existence (notre naissance, un coup de foudre amoureux, un moment de bonheur…), c’est le travail interne permis par la régression qui est, de loin, le plus passionnant : explorer le passé, c’est l’occasion de travailler sur sa construction personnelle, sur son évolution, d’explorer la genèse des limites apprises, des conditionnements ou encore des peurs qui nous habitent… et peut-être est-ce l’occasion de les transmuter.
Comme le dit avec humour Gustave Parking, « les grands mythes on fait de grands trous dans l’histoire ». Et s’il y a bien un sujet qui charrie des mythes qui lui nuise, c’est bien l’hypnose. Pour la régression, ils sont nombreux : tordons le cou aux principaux !
Faux. Si on constate que le simple fait d’être en hypnose nous permet d’accéder à une mémoire étendue et à des détails autrement inaccessibles, il n’est jamais certain que ces souvenirs retrouvés soient totalement exacts.
Tout d’abord, et contrairement à ce que l’on croit généralement, il est extrêmement facile de créer ou de se créer de faux souvenirs, même sans hypnose. De nombreuses personnes ont exploré cette question… et les résultats sont pour le moins effrayants : par exemple, il a été constaté dans le cadre d’enquêtes policières, que 30% des personnes innocentées par des examens ADN avaient pourtant avoué… des crimes qu’elles n’avaient pas commis.
Sans rentrer ici dans les détails, notre mémoire semble se reconstruire à chaque fois qu’on fait appel à elle et de nombreux biais peuvent l’influencer. Parmi eux, nos émotions, nos croyances, notre besoin de cohérence forment de véritables miroirs déformants. Et cela se passe dans un état ordinaire de conscience. Mais, ajoutez à cela un état hypnotique et vous amplifiez ces biais et autres déformations : dans ces états, l’accès à l’imaginaire est largement facilité et la pensée logique mise de côté. [1] [2]
Ainsi, si je pars dans mon passé en espérant y trouver quelque chose, je risque autant de le retrouver que de le créer. Dans ce cas, mon besoin de cohérence peut pousser mon imagination à créer un souvenir qui me semblera logique. Et bien entendu, si j’ai peur de trouver quelque chose, je me fais aussi une suggestion qui peut amener à construire ce que je fuis.
On pourrait en déduire un théorème : l’inconscient est prêt à nous créer un faux souvenir, si nous espérons qu’il existe, ou si nous avons peur qu’il existe.
Bien sûr, à côté de cela, il existe aussi des exemples étonnants de personnes capables de remontrer des informations vérifiables et extrêmement précises de souvenirs très anciens. De telles prouesses ouvrent la porte à une possible hypermnésie sous hypnose. Mais aucun moyen permet de discerner à coup sûr le vrai du faux, le concret du fantasmé.
Maintenant, est-ce un problème ? Non : on n’accompagne pas une personne en régression pour trouver une vérité ou pour mener une enquête. Un praticien en hypnose, qui a une éthique solide, refusera même catégoriquement une demande de vérité ! [3]
Une régression est proposée comme on le verra plus tard, pour explorer notre construction subjective et non la réalité objective.
Comme beaucoup, j’ai été bercé par ces histoires étranges : d’aucuns racontent qu’en retrouvant l’origine d’une problématique on s’en libérerait. Que la catharsis serait l’élément clef de tout accompagnement thérapeutique…
A cela je répondrai que j’ai reçu en consultation des centaines de personnes qui avaient eu accès à des remémorations de souvenirs traumatiques dans d’autres formes d’accompagnement. Invariablement leur discours était le même et elles sont venues me voir en me disant que ça n’avait rien changé. Pire même : certaines de ces personnes – et ce n’est pas rare – se sentaient encore plus mal après que l’amnésie qui les protégeait ait été levée. Combiné à l’idée précédente, on peut même se demander si dans le lot certains ne souffraient pas à cause de souvenirs créés de toute pièce par les suggestions d’un praticien peu au fait du problème des faux souvenirs… mais cherchant à tout prix une explication, une raison, un souvenir refoulé, pour justifier des problématiques présentes.
Ces personnes souffraient donc d’une plus grande proximité avec l’objet de leurs angoisses et de leurs peurs. Faire revivre un traumatisme, sauf à vouloir nuire à quelqu’un, s’avère être une bien mauvaise idée.
Et surtout, ce n’est pas du tout l’objet d’une régression en hypnose.
Tout se joue dans la petite enfance.
Non, là encore, ce sont de simples superstitions qui amènent à ce genre d’idée. Bien entendu, l’enfance et la petite enfance sont des moments importants de notre vie, mais une régression n’a pas toujours pour but d’aller aussi loin. Ramener quelqu’un aux premiers moments de sa vie est une chose impressionnante, une expérience marquante, et je suis persuadé que toute personne devrait la vivre au moins une fois. Toutefois, un excellent travail peut être accompli en remontant quelques années en arrière avec un sujet sous hypnose. Remonter à la racine, à l’intention première, n’est pas indispensable.
Mais alors, s’il ne s’agit pas de retrouver des traumatismes et de les revivre, si ce n’est pas toujours une régression dans la petite enfance, et si on n’est pas certain de la véracité de ce que l’on retrouve, pourquoi donc faire une régression ? A quoi sert donc cette technique ?
Peut-être, tout simplement, à explorer autrement le présent…
Clara a 30 ans, elle est venue me consulter pour des angoisses qui semblent être présentes, sans raison apparente ou connue : « depuis toujours ». Elles prennent de la place ces angoisses, de l’énergie aussi. Elles lui donnent la sensation de ne pas pouvoir avoir confiance en elle et encore moins en la vie. Elle se décrit comme « éteinte » et « rongée ». Ces angoisses prenant parfois la sensation d’un nœud dans sa poitrine, parfois celle d’un vide, d’une absence…
Elle parle peu et semble intimidée à l’idée de l’hypnose… mais est-ce par l’hypnose que les personnes sont intimidées, ou par l’idée de l’inconnu que l’on peut découvrir en entrant à l’intérieur de soi ? Comme beaucoup de personnes que j’ai pu croiser, elle a tenté de nombreuses solutions pour travailler sur elle et elle semble épuisée. Elle vient pour tenter quelque chose de nouveau, avec un peu d’espoir, au cas où… mais pas trop : « vous comprenez, j’ai peur d’être déçue… »
Rapidement, je lui propose une petite expérience pour modifier son état de conscience. Quelque chose de léger, pour commencer. L’idée d’y aller doucement semble la rassurer… et à peine les yeux fermés, elle s’abandonne, totalement, comme si se laisser guider était un soulagement…
Pourquoi avoir choisi d’aller vers une régression hypnotique avec Clara ? Il serait long d’expliquer ici en détail les raisons qui font que l’on choisit une approche plutôt qu’une autre pour accompagner quelqu’un : les facteurs de décisions sont multiples. mais, pour répondre à une question que l’on me pose parfois, ce n’est pas le client qui dit « je veux une régression ». On parle, on échange, et de là le praticien choisit ses outils et sa stratégie (Peut-être que ce thème fera l’objet d’un futur article ici).
Au fil des mots, l’état d’hypnose s’approfondit. Minute après minute un nouvel état de conscience prend naissance : dans celui-ci, la réalité est malléable. Un peu comme un forgeron qui porte son métal à haute température pour pouvoir le travailler, l’hypnotiseur chauffe l’esprit de son sujet pour le faire passer de la rigidité des conditionnements à la fluidité et la plasticité d’une liberté intérieure.
Puis, vient le moment de remonter dans le temps : je lui propose de retourner, progressivement, vers une époque de sa vie où cette angoisse n’existait pas encore.
Elle a 4 ans. Son visage n’exprime plus le poids des ans, une innocence s’y dessine. Elle me dit quelques mots, des mots simples ; prononcés avec une voix d’enfant. Elle semble joyeuse. Elle semble attendre quelque chose. Je lui demande de prendre du recul, de se regarder depuis l’extérieur. De se regarder avec tout son esprit.
Elle a 30 ans. Elle observe une ancienne version d’elle-même qui a 4 ans. Une émotion monte, des larmes. « Je sais où elle est : chez mes grand parents. Ce jour, c’est le dernier où elle…. où je verrais mon grand-père. Je l’aimais si fort… ». D’autres émotions, plus fortes encore, remontent à la surface. A cet instant, elle sait ce que cette petite fille va vivre, ce qu’elle va éprouver : elle connait son avenir puisque c’est son passé. Ce jour est celui d’une première rencontre avec la mort, avec le vide et l’absence. Elle sait aussi une chose, importante et même déterminante : elle sait ce que cette ancienne elle-même, à 4 ans, n’a pas pu dire. Elle sait ce qu’elle aurait aimé entendre aussi et qu’on ne lui a pas dit. Il y a l’événement en lui-même et il y a la façon dont il a été traversé. Alors je lui suggère d’aller la rencontrer, dans ce moment ou tout va bien, ce calme avant la tempête. Elle s’approche. Un contact. Elle lui/se parle, lui/se prend la main. Elle lui murmure quelques mots… lui donne ce qu’elle-même n’a pas eu. Elle soigne par avance cette petite fille qu’elle connait si bien : elle prépare sa résilience. Elle trouve les mots justes, le bon regard, la bonne intention…
Je lui suggère de laisser passer quelques jours : le temps avance. Elle voit cette ancienne Clara, cette fois dans le chagrin. Elle va la voir à nouveau, et là aussi elle trouve les mots…la prend dans ses bras et l’autorise à se libérer de l’angoisse naissante. Elle rassure, console et comprend.
Je lui suggère de laisser passer quelques jours encore. Une autre rencontre, d’autres émotions… mais cette fois, la petite fille qu’elle voit est légèrement différente de celle qu’elle-même a été : elle a pris une autre direction. Quelques mots, des émotions partagées, une attention, un contact… c’est si peu de choses en apparence ! Mais le passé se réécrit à partir de ce décalage minime.
Elle sent cette différence. Elle sent que cette ancienne version d’elle-même a pris un chemin nouveau. Mais quel est l’écho de ce changement à travers le temps ? Je lui propose d’abandonner le présent, de devenir cette Clara de 4 ans, et de cheminer à partir d’elle vers l’avenir.
Elle a 4 ans, et elle sourit. Elle me dit quelques mots avec sa voix d’enfant. Quelque chose est différent dans son regard : un éclat, une maturité aussi… une liberté, une légèreté.
Le temps avance, le futur se précipite à nouveau… les années défilent et nous revenons au présent partagé.
A l’intérieur de Clara, il y avait toujours eu une petite fille de 4 ans qui n’avait pas pu apaiser son angoisse. Désormais, cette partie d’elle a grandi elle aussi.
Elle ouvre les yeux, l’éclat est là. Son sourire, lui aussi, témoigne du changement intérieur. Elle porte la main à sa poitrine, comme si elle cherchait quelque chose…. « il n’y a plus de vide, c’est plein ». Elle émerge. On ne revient pas à soi après une séance d’hypnose, tout comme on ne revient pas tout à fait d’un voyage : dans les deux cas, celui qui revient n’est pas tout à fait celui qui est parti. Pour elle, ce présent est différent. Son corps l’est aussi : il est libéré du poids du passé.
“La conception que tout individu a du monde est et reste toujours une construction de son esprit, et on ne peut jamais prouver qu’elle ait une quelconque autre existence.” Erwin Schrödinger, L’esprit et la Matière.
La régression hypnotique ne se cantonne pas à la technique présentée dans ce cas : on peut aussi l’utiliser pour retrouver des capacités anciennes, se reconnecter à de vieux apprentissages et pour bien d’autres choses encore … l’outil est vaste et cet article ne prétend pas faire l’inventaire de ses possibilités.
L’idée est en tout cas de travailler sur notre construction personnelle. Nous nous racontons une histoire sur nous-mêmes, et cette histoire, nous l’appelons le passé. Cette histoire n’est pas objective, elle est mouvante et à la lumière d’une nouvelle information il nous arrive de la transformer. Parfois, en cheminant à travers les âges, en avançant dans notre vie, nous vivons un événement qui nous marque profondément, qui nous blesse et nous déstabilise. Nous n’avons ni les outils, ni les connaissances, ni le recul pour le gérer. Alors nous continuons à avancer en laissant une partie de nous en arrière, engluée dans le passé.
Puis, en suivant notre chemin, nous prenons de l’expérience, de la force, de la sagesse et bien d’autres qualités encore.
Ainsi transformés, nous pourrions retourner en arrière et libérer cette partie que nous avons abandonnée sur le chemin… mais peut-être l’avons-nous oubliée ? Peut-être n’avons-nous pas l’idée d’aller la chercher ? Peut-être ne savons-nous pas que c’est possible… et peut-être, tout simplement, que notre état de conscience ordinaire ne nous permet pas de retourner là où elle nous attend depuis si longtemps.
En hypnose, il est possible de se souvenir, de revenir. De donner, de réparer et de faire grandir.
Beaucoup de personnes ont abandonné des parties d’elles-mêmes sur leur chemin…
Elles sont toujours là, à les attendre.
Il suffit de fermer les yeux…
Kevin FINEL
1 : http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0956797614562862
2 Loftus, E. F. 2005. “Planting misinformation in the human mind : A 30 year investigation of the malleability of memory”.
3 : http://www.prevensectes.com/psycho2.htm
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]]>Je relisais il y a peu les « feuillets d’hypnos», de René Char. La référence au dieu Grec me plait : pendant la 2e guerre mondiale, résistant actif, le poète se surnomme hypnos : celui qui veille sur le peuple qui dort. Il est le gardien de la nuit, qui reste réveillé quand le monde est endormi.
Il fallait sans doute un poète pour se rappeler le rôle de ce dieu ancien et par là-même, la signification première de notre pratique / métier / passion.
Nous ne tirons pas notre nom de Morphée, qui endort les mortels et dirige leurs rêves : la morphine, si elle est souvent utile, n’est sans doute pas le meilleur vecteur d’un éveil de la conscience…
Nous tirons notre nom de son père, Hypnos. Le dieu qui pouvait endormir les dieux, et Zeus lui-même !
Il le fait lors du siège de Troie : Zeus s’oppose à ce que les autres dieux aident les Grecs, Hypnos l’endort alors pour leur permettre d’intervenir pendant son sommeil.
J’y vois une belle métaphore de notre métier : lorsque nous hypnotisons quelqu’un, nous ne cherchons pas à endormir son être afin de le reprogrammer, comme le veut la croyance populaire. Non, nous cherchons plutôt à passer au-delà de la partie qui contrôle l’ordre établi, pour permettre à d’autres ressources, à d’autres possibles de s’exprimer.
Mon souhait, pour cette année, est qu’une pratique de l’hypnose qui va dans ce sens puisse se (re)développer. Une hypnose éthique, esthétique, poétique. Une hypnose utile surtout, et bénéfique.
Encore faut-il que les praticiens en hypnose puissent exprimer leurs talents sans embûches !
Et éviter les dangers qui pointent à l’horizon :
– Que l’hypnose soit récupérée par une profession unique. Certains médecins – très peu heureusement, mais on les entend ! – aimeraient aller dans cette direction, ceux-là même qui nient que l’hypnose est un art à part entière et que sa pratique consiste en un métier indépendant. Ceux qui pensent que seuls ceux qui ont le droit de soigner peuvent hypnotiser.
Confisquer cette pratique, pour une profession ou pour une autre, serait la réduire à une fraction de ce qu’elle est.
L’hypnose est une technique de communication : avec soi, avec les autres et avec le monde.
Elle peut être utile à la médecine, elle peut être utile à l’enseignement, au coaching, au management, à la négociation, à la performance, à la création artistique et à mille autres métiers.
Mais n’est-elle pas une matière indépendante ?
Elle est comme les mathématiques : utile en des endroits multiples, mais rattachée à aucun en particulier.
Je souhaite que nous développions ces différentes facettes pour que personne, jamais, ne puisse l’enfermer.
– Le spectacle, qui donne une image déformée et parfois effrayante.
L’hypnose peut être un bel outil de spectacle ! Mais parfois, le besoin de sensationnel et d’audience la fait aller vers le facile, le superficiel, et même le sordide.
Il est possible de proposer des numéros qui montrent l’hypnose sous un jour positif, même en étant dans le spectaculaire.
Il est possible de créer des spectacles hypnotiques qui éveillent la curiosité, l’attrait vers les « profondeurs » de notre être.
Je souhaite que les hypnotiseurs de spectacles pensent à tous leurs confrères accompagnants, qui utilisent cet outil au service des autres.
– Les guerres de chapelle, qui décrédibilisent la pratique.
Je ne pense pas être le seul à être lassé des conflits entre écoles et courants de pensée. Que d’énergie perdue dans des débats interminables qui, au fond, reposent plus sur des considérations mercantiles que sur de véritables convictions professionnelles.
Je souhaite que chacun fasse au mieux, travaille, cherche, publie, pratique…
Je souhaite que les écoles d’hypnose communiquent entre elles, travaillent à renforcer la qualité des praticiens, tout en conservant et même en développant leurs spécificités et particularités.
– Enfin, je pense qu’il est temps de faire émerger notre discipline en lui donnant un fondement théorique propre, en l’émancipant des termes et définitions Freudienne pour lui créer son propre vocabulaire, ses propres définitions. Les linguistes le savent : on pense avec les mots qu’on nous donne. Il est difficile de penser nouveau avec des mots usés, connotés.
Je souhaite que l’on sorte progressivement des termes « conscient » et « inconscient » et de la prison conceptuelle qu’ils nous ont créée.
Parlons de la subjectivité et de ses modifications. Parlons des différentes formes de suggestibilité. Parlons des hypnoses au pluriel et non d’un état unique et identifié qui sera – à raison – toujours soumis à controverse. (Pour cela nous avons créé les cours d’hypnologie et c’est une porte ouverte vers la recherche, et de nouvelles pensées.)
Tout cela pourrait nous rapprocher des racines de l’hypnose…
Je vous souhaite, à tous, une année merveilleuse. Inspirante. Hypnotique.
Kévin Finel
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