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]]>Récemment, a été publiée sur la chaine YouTube de l’Arche une séance d’hypnose tirée d’un cabinet public et dans laquelle je travaillais avec un jeune homme qui désirait stopper sa consommation de cannabis*. J’ai depuis reçu quelques questions intéressantes à ce sujet, notamment de la part de personnes qui souffrent de dépendances à différentes substances comme la morphine, l’alcool, différents types de somnifères ainsi que d’autres drogues plus ou moins douces …
Aussi, j’ai eu envie de partager quelques réflexions sur ce sujet, d’expliquer les pistes explorées dans cette séance à travers deux cas complémentaires qui me semblent emblématiques de ce type de travail. Je précise ici, fidèle à ma vision de l’hypnose, que je ne considère pas ce travail comme visant à réparer ou à soigner la dépendance. A mon sens, il s’agit d’explorer et possiblement d’aider à libérer en créant de nouvelles options. L’hypnose est avant tout une méthode de pédagogie cognitive, nous permettant de mieux utiliser nos possibilités.
*pour ceux qui le souhaitent, la séance en question est visible ici : https://www.youtube.com/watch?v=nv8SXFvGJlw
Mon intime conviction est que nous aurions bien moins de problèmes de dépendance et d’addiction dans notre société si nous pouvions inclure dans l’éducation une sensibilisation à l’exploration des états de conscience.
Avez-vous l’impression de pouvoir créer l’état interne dont vous avez besoin à chaque instant ? Savez-vous par exemple vous concentrer quand il le faut ? Vous endormir très rapidement quand vous le décidez ? Vous détendre en cas d’envie ou de besoin ? Changer d’état d’esprit quand quelque chose vous préoccupe ? Déclencher votre créativité ou augmenter votre confiance pour franchir un obstacle ou une épreuve ?
Même si vous répondez positivement à toutes ces questions, vous avez sans doute conscience que ce n’est pas le cas pour une immense majorité d’individus dans notre société. Combien d’enfants rencontrent des problèmes de concentration ? Combien de personnes sont prises par le stress de leur travail même quand elles rentrent chez elles ? Pire encore : si on questionne, par exemple, des personnes qui ont un bon sommeil ou une bonne gestion de leur stress, elles n’ont généralement aucune idée de la façon dont ça fonctionne. Aussi, si un jour quelque chose dérègle leurs bonnes habitudes, elles ignorent comment s’adapter à la situation.
Je ne suis pas partisan d’un total contrôle de soi, ou de l’optimisation permanente que notre société nous vend parfois. La course à la performance promue par le développement personnel m’a toujours repoussé… Mais ce que j’évoque ici relève d’une simple recherche de liberté : il me semble qu’un être humain devrait pouvoir choisir en toute simplicité l’état interne dans lequel il se trouve. Il devrait être capable de s’adapter en fonction de ses besoins et de la situation rencontrée. Ce que je constate, c’est que peu de personnes savent comment y parvenir. Dans nos sociétés, si une personne a besoin d’un état qui lui échappe, elle cherchera non pas une solution intérieure mais une solution extérieure : c’est à ça que nous sommes conditionnés et je pense que c’est un terrain propice à la dépendance. Ça commence par un petit somnifère ou un calmant léger après une journée stressante ou avant un événement important par ces pilules qui boostent les capacités des étudiants ou encore un verre de vin pour se détendre ou se sentir plus à l’aise en société… Mais que se passe-t’il quand ces substituts deviennent un peu plus que du confort, quand ils apparaissent comme indispensables ?
Si nous avions une éducation aux états de conscience, nous serions capables d’analyser l’effet du somnifère, de le modéliser pour ensuite le reproduire et créer plus facilement le sommeil. Dans un tel cas, on se retrouverait dans une étape d’apprentissage normale. Cette forme d’éducation n’existe pas – pas encore ? – mais l’hypnose rend possible un tel apprentissage.
Je me souviens encore des deux expériences qui m’ont mené à réaliser l’étendue de ce potentiel, et qui ont conduit à ce qui est esquissé dans cette vidéo. Je travaillais alors avec un violoniste qui cherchait à atteindre le fameux état de «flow». Cet état, longuement décrit par la psychologie positive, nommé aussi « état optimal », peut s’apparenter à un état de forte inspiration, caractérisé par une puissante sensation de fluidité et d’évidence.
Ce musicien, d’une quarantaine d’année, était venu me voir pour tenter d’accéder plus facilement et surtout plus régulièrement à cet état. Comme souvent en hypnose, le travail commence par une collecte d’informations subjectives : je lui posais donc de nombreuses questions afin de l’aider à décrire avec précision l’état recherché. Tout le monde peut bien sur accéder à cet état, mais il semble prendre des caractéristiques uniques pour chaque personne : parfois il est riche de sensations, tandis que pour d’autres il semble être un état dissocié du corps et du ressenti. Il s’accompagne parfois d’un état de fusion avec le monde et l’environnement… et à d’autres moments il donne à ceux qui le vivent l’impression d’être dans une bulle, coupé du reste du monde.
Pour ce musicien, l’état obtenu s’apparentait énormément à ce qui est décrit par les personnes qui prenaient du lsd dans les années 60. J’ai retrouvé depuis, avec d’autres musiciens et artistes en général, des paramètres similaires. Chose au final peu étonnante quand on sait qu’une grande partie des succès de ces années a été composée dans des états obtenus par ces substances, légales à l’époque…
Lui, le nommait « l’état de grâce » et le vivait sous une forme quasi mystique. Cet état lui arrivait parfois, sans crier gare, à n’importe quel moment de la journée… dans cet état, pour reprendre ses mots, sa musique était inspirée, les sons plus purs et son corps, en jouant, paraissait animé par une force extérieure. Quant à lui, il ressentait un état proche de l’extase.Sous hypnose, nous avons donc passé plusieurs séances pour ouvrir un chemin menant à cet état. J’emploie cette métaphore à dessein : j’avais vraiment l’impression d’avancer avec lui en territoire inconnu, dans la jungle de son inconscient, à chercher la piste menant à un lieu magique mais caché et secret.
La première fois, le «trajet » pris près de 2 heures. Il y avait de nombreuses résistances à dépasser : des croyances limitantes, des peurs du présent et des peurs anciennes… Apparaissant sous forme d’obstacles ou de véritables monstruosités générés par son inconscient… Mais une fois arrivé, il devient radicalement différent : apaisé, irradiant d’une joie intense et assez contagieuse.
De mémoire, nous nous vîmes 5 ou 6 fois, et à chaque fois il s’agissait de retourner vers cet endroit, avec plus d’aisance. A chaque séance, sa confiance grandissait, jusqu’au moment où il n’a plus eu besoin de moi pour y retourner. A la dernière séance, il me dit en arrivant qu’il avait pu retrouver cet état plusieurs fois au cours de la semaine écoulée, qu’il y allait désormais instinctivement, mais qu’il en ressortait après pour conserver un rapport normal avec le quotidien : il est vrai que dans cet état il semblait un peu décalé et béat.
Je crois que cette exploration fut aussi marquante pour lui que pour moi : elle m’a ouvert la porte à de nombreuses réflexions et fait avancer sur la quête de ces états de conscience absolus, tels que ceux décrits dans de nombreuses traditions de part de monde.
A la même époque, j’accompagnais avec un écrivain alcoolique. Ecrire sans sa bouteille de rhum était pour lui inimaginable. Tandis qu’il me racontait son addiction et son incapacité à obtenir son état créatif en restant sobre, le lien avec mon musicien est apparu comme une évidence : si j’avais pu aider ce violoniste à se recréer un ressenti digne d’un état de « high », je pouvais bien aider un écrivain à accéder à l’inspiration. La différence, c’est que lui savait trouver son état désiré : sa porte d’entrée personnelle était l’alcool. Pour ma part, j’étais persuadé que les mots feraient un guide tout aussi efficace.
Je prenais des rdv avec lui le matin, seule solution pour l’avoir dans un état de conscience ordinaire et bien entendu je me servais de son imagination, plus développée que la moyenne.J’usais de placebos : nous remplissions un verre d’eau qu’il buvait à petites gorgées en imaginant que c’était son rhum habituel. Dans un léger état d’hypnose, suffisant pour qu’il hallucine l’odeur et le goût de l’alcool, je lui demandais de décrire les effets que ce premier verre devait avoir sur son organisme et ses perceptions.J’attirais son attention sur les sensations de son corps pour amplifier le vécu. Sa mémoire de milles cuites l’aidait à me décrire le processus avec précision. Une heure plus tard, mon bonhomme était passablement soul, avait du mal à articuler et me disait avoir besoin d’une feuille et d’un crayon pour noter les idées qui commençaient à jaillir dans son esprit ouvert ! Je le laissais se concentrer quelques minutes à son art et constatait en effet qu’il semblait à l’aise pour créer dans cet état.
Je l’ai ensuite ramené à son état normal en défaisant ce que nous avions construit.Nous avons alors convenu que cet état pouvait se créer sans alcool. Même pour un écrivain, habitué à flirter avec l’imagination et conscient du pouvoir des mots, l’expérience était troublante. Redevenu sobre, sans effets secondaires, il n’avait qu’une envie : vérifier que ce n’était pas un coup de chance.
Plusieurs séances ont ensuite été nécessaires pour affiner ce travail : comme pour le violoniste, il s’agissait de baliser un chemin, un trajet mental, de l’aider à l’arpenter dans un sens et dans l’autre.Il faut ici prendre en compte un élément important : l’imagination est mouvante. Retrouver un état de conscience précis consiste en quelque sorte à se repérer dans une forêt dans laquelle tout est susceptible de se déplacer, sans logique apparente. Retrouver son chemin n’est pas de tout repos et les points de repère ne sont pas toujours évidents…
Une fois ce travail effectué, nous avions tous les deux envie d’aller un peu plus loin : si son cerveau pouvait lui faire ressentir cet état, qu’est ce qui nous empêchait maintenant de l’améliorer ? Pourquoi ne pas créer un état qui contient les éléments recherchés dans l’état d’ébriété, en enlevant les aspects désagréables ? Pourquoi ne pas amplifier certaines caractéristiques utiles ? On dit souvent que notre inconscient n’a de limites que celle de notre imagination… alors l’exploration a continué, jusqu’à donner vie à un état bien plus intéressant que celui que le rhum était capable de générer.
Je suis resté en contact assez longtemps avec lui, ayant ensuite reçu plusieurs membres de sa famille en accompagnement. Un jour, il m’a dit avoir presque stoppé sa consommation d’alcool, mais sans l’avoir vraiment recherché : boire un verre dans un cadre amical lui était agréable, mais une fois seul il préférait jouer avec son inconscient par lui-même quand il avait besoin d’écrire ou en cas de stress. Il nommait ça ses « cuites oniriques » et se sentait évidemment en bien meilleure forme physique…
J’ai depuis utilisé cette méthode pour aider de nombreuses personnes. Bien entendu, elle n’est pas toujours suffisante ni efficace à tous les coups. Il faut aussi savoir que dans ces deux exemples, les échanges avec ces personnes incluaient un certain travail sur leur identité ainsi qu’une prise en compte des bénéfices secondaires liés aux problématiques rencontrées. Dans d’autres cas, il est important d’explorer les conséquences systémiques : familiales bien entendu, mais aussi professionnelles, et bien d’autres choses encore…
Je suis persuadé qu’avec une meilleure pédagogie des états de conscience, les comportements addictifs seraient bien moins fréquents, y compris chez les adolescents. Tout le monde aurait ainsi la possibilité d’explorer de nouvelles possibilités intérieures, de développer régulièrement de nouvelles capacités. Dans les cas exposés ici, il s’agissait de recherches autour de l’inspiration et de la créativité. Dans la séance vidéo le besoin était celui d’un simple -mais important – état de bien-être… Les recherches sont multiples et variées.
Imaginez ce que serait une société où tout le monde est initié à l’exploration des états de conscience et puisse explorer dès le plus jeune âge son immensité inconsciente ?
Kévin FINEL
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