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]]>J’écris un livre sur l’hypnose. C’est prévisible n’est-ce pas ? Sans doute. Pourtant, ces derniers temps, d’autres envies d’écriture prennent vie dans mon imagination. Je les retiens. C’est que… Je n’ai jamais vraiment écrit sur l’hypnose ! Quatre livres sur l’autohypnose, un sur la communication hypnotique avec mon complice Jean Dupré… Mais jamais rien sur l’hypnose. Quand j’y pense, ce n’est pas très sérieux… Il est temps de s’y mettre : les romans attendront encore un peu…
Plus précisément, ce livre est orienté vers la pratique, il consiste en une sorte de manuel, une méthode. Cela a déjà été fait ? Oui, d’une certain façon… Mais – je crois – pas dans cet esprit.
Je lis à peu près tout ce qui paraît sur l’hypnose. Il y a des auteurs que j’aime, qui ont inspiré ma pratique : Erickson, O’Hanlon, Rossi, Watzlawick, Roustang et quelques autres… Mais il y a un livre que je n’ai jamais lu. Un livre qui apprend réellement comment on pratique l’hypnose, des bases aux outils avancés. Un livre qui décompose, qui entre dans l’infiniment petit de l’hypnose, tout en donnant une vision globale des méthodes. Qui parle des processus de changement, allant puiser dans ceux des traditions anciennes autant que dans l’apport des neurosciences…
Pourtant, quand je pense à mes débuts, ce livre j’aurais aimé le lire. Peut-être est-ce le rappel de ce manque qui guide aujourd’hui mon envie écrire ? L’envie de tenter de donner à d’autres ce que je n’ai pas eu quand j’ai abordé cette discipline ?
Au fond, l’idée d’écrire ce livre n’est pas récente : à chaque fois que je réécris le programme des formations données à l’arche, je me dis qu’il y a matière à en faire un livre. Mais à chaque fois, les idées évoluent. Un nouveau programme est à peine sorti que j’envisage les prochaines évolutions, guidé par une éternelle insatisfaction… C’est que ça fige les idées d’écrire ! Ça a un côté effrayant de figer une pensée en évolution.
Mais là, ça y est. L’écriture est lancée. Et au fil des pages, je me rends compte qu’il était grand temps…
C’est qu’après plus de 15 ans de pratique, il y a un style qui s’est dessiné : il est temps d’en rendre compte. Avec les années, est née une façon de penser l’hypnose, de la pratiquer, de façonner les états de conscience, de comprendre comment influencer cet équilibre précaire et limité qu’on nomme souvent « état ordinaire de conscience ». Je l’ai parfois un peu expliqué dans des cabinets publics, mais c’était par bribes, à la volée et sans cohérence.
L’Arche a été un lieu de gestation pour ce style. J’y ai jeté les premiers ingrédients et puis d’autres s’y sont retrouvés, s’en sont inspirés… et ont apporté leur pierre à l’édifice. Un groupe s’est créé, puis une école, une équipe. Elle est dynamique, exigeante, insatiable… il y règne une joyeuse émulation née de l’envie de faire murir l’hypnose, d’ériger cette pratique en art.
Parmi de nombreuses idées motrices, il en est quelques-unes auxquelles je tiens particulièrement, et qui pour moi définissent cette hypnose « archienne » :
Après plus de 15 ans, il est sans doute temps de partager toutes ces idées, de les détailler, de les mettre en théories et en exemples. Et puis, je sens bien que je suis plus proche de la fin de mon parcours dans l’hypnose que du début… D’autres envies prennent vie dans mon imagination. Je les retiens encore un peu…
Après une vingtaine de jours à Venise, il y a près de 200 pages. Je n’en suis pas à la moitié. Le chantier est plus long que prévu ! C’est bien : qu’il dure : c’est qu’il y a beaucoup à partager ! Je sens aussi que quelques articles vont ponctuer la suite de cette rédaction : à suivre…
K.F.
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]]>Récemment, a été publiée sur la chaine YouTube de l’Arche une séance d’hypnose tirée d’un cabinet public et dans laquelle je travaillais avec un jeune homme qui désirait stopper sa consommation de cannabis*. J’ai depuis reçu quelques questions intéressantes à ce sujet, notamment de la part de personnes qui souffrent de dépendances à différentes substances comme la morphine, l’alcool, différents types de somnifères ainsi que d’autres drogues plus ou moins douces …
Aussi, j’ai eu envie de partager quelques réflexions sur ce sujet, d’expliquer les pistes explorées dans cette séance à travers deux cas complémentaires qui me semblent emblématiques de ce type de travail. Je précise ici, fidèle à ma vision de l’hypnose, que je ne considère pas ce travail comme visant à réparer ou à soigner la dépendance. A mon sens, il s’agit d’explorer et possiblement d’aider à libérer en créant de nouvelles options. L’hypnose est avant tout une méthode de pédagogie cognitive, nous permettant de mieux utiliser nos possibilités.
*pour ceux qui le souhaitent, la séance en question est visible ici : https://www.youtube.com/watch?v=nv8SXFvGJlw
Mon intime conviction est que nous aurions bien moins de problèmes de dépendance et d’addiction dans notre société si nous pouvions inclure dans l’éducation une sensibilisation à l’exploration des états de conscience.
Avez-vous l’impression de pouvoir créer l’état interne dont vous avez besoin à chaque instant ? Savez-vous par exemple vous concentrer quand il le faut ? Vous endormir très rapidement quand vous le décidez ? Vous détendre en cas d’envie ou de besoin ? Changer d’état d’esprit quand quelque chose vous préoccupe ? Déclencher votre créativité ou augmenter votre confiance pour franchir un obstacle ou une épreuve ?
Même si vous répondez positivement à toutes ces questions, vous avez sans doute conscience que ce n’est pas le cas pour une immense majorité d’individus dans notre société. Combien d’enfants rencontrent des problèmes de concentration ? Combien de personnes sont prises par le stress de leur travail même quand elles rentrent chez elles ? Pire encore : si on questionne, par exemple, des personnes qui ont un bon sommeil ou une bonne gestion de leur stress, elles n’ont généralement aucune idée de la façon dont ça fonctionne. Aussi, si un jour quelque chose dérègle leurs bonnes habitudes, elles ignorent comment s’adapter à la situation.
Je ne suis pas partisan d’un total contrôle de soi, ou de l’optimisation permanente que notre société nous vend parfois. La course à la performance promue par le développement personnel m’a toujours repoussé… Mais ce que j’évoque ici relève d’une simple recherche de liberté : il me semble qu’un être humain devrait pouvoir choisir en toute simplicité l’état interne dans lequel il se trouve. Il devrait être capable de s’adapter en fonction de ses besoins et de la situation rencontrée. Ce que je constate, c’est que peu de personnes savent comment y parvenir. Dans nos sociétés, si une personne a besoin d’un état qui lui échappe, elle cherchera non pas une solution intérieure mais une solution extérieure : c’est à ça que nous sommes conditionnés et je pense que c’est un terrain propice à la dépendance. Ça commence par un petit somnifère ou un calmant léger après une journée stressante ou avant un événement important par ces pilules qui boostent les capacités des étudiants ou encore un verre de vin pour se détendre ou se sentir plus à l’aise en société… Mais que se passe-t’il quand ces substituts deviennent un peu plus que du confort, quand ils apparaissent comme indispensables ?
Si nous avions une éducation aux états de conscience, nous serions capables d’analyser l’effet du somnifère, de le modéliser pour ensuite le reproduire et créer plus facilement le sommeil. Dans un tel cas, on se retrouverait dans une étape d’apprentissage normale. Cette forme d’éducation n’existe pas – pas encore ? – mais l’hypnose rend possible un tel apprentissage.
Je me souviens encore des deux expériences qui m’ont mené à réaliser l’étendue de ce potentiel, et qui ont conduit à ce qui est esquissé dans cette vidéo. Je travaillais alors avec un violoniste qui cherchait à atteindre le fameux état de «flow». Cet état, longuement décrit par la psychologie positive, nommé aussi « état optimal », peut s’apparenter à un état de forte inspiration, caractérisé par une puissante sensation de fluidité et d’évidence.
Ce musicien, d’une quarantaine d’année, était venu me voir pour tenter d’accéder plus facilement et surtout plus régulièrement à cet état. Comme souvent en hypnose, le travail commence par une collecte d’informations subjectives : je lui posais donc de nombreuses questions afin de l’aider à décrire avec précision l’état recherché. Tout le monde peut bien sur accéder à cet état, mais il semble prendre des caractéristiques uniques pour chaque personne : parfois il est riche de sensations, tandis que pour d’autres il semble être un état dissocié du corps et du ressenti. Il s’accompagne parfois d’un état de fusion avec le monde et l’environnement… et à d’autres moments il donne à ceux qui le vivent l’impression d’être dans une bulle, coupé du reste du monde.
Pour ce musicien, l’état obtenu s’apparentait énormément à ce qui est décrit par les personnes qui prenaient du lsd dans les années 60. J’ai retrouvé depuis, avec d’autres musiciens et artistes en général, des paramètres similaires. Chose au final peu étonnante quand on sait qu’une grande partie des succès de ces années a été composée dans des états obtenus par ces substances, légales à l’époque…
Lui, le nommait « l’état de grâce » et le vivait sous une forme quasi mystique. Cet état lui arrivait parfois, sans crier gare, à n’importe quel moment de la journée… dans cet état, pour reprendre ses mots, sa musique était inspirée, les sons plus purs et son corps, en jouant, paraissait animé par une force extérieure. Quant à lui, il ressentait un état proche de l’extase.Sous hypnose, nous avons donc passé plusieurs séances pour ouvrir un chemin menant à cet état. J’emploie cette métaphore à dessein : j’avais vraiment l’impression d’avancer avec lui en territoire inconnu, dans la jungle de son inconscient, à chercher la piste menant à un lieu magique mais caché et secret.
La première fois, le «trajet » pris près de 2 heures. Il y avait de nombreuses résistances à dépasser : des croyances limitantes, des peurs du présent et des peurs anciennes… Apparaissant sous forme d’obstacles ou de véritables monstruosités générés par son inconscient… Mais une fois arrivé, il devient radicalement différent : apaisé, irradiant d’une joie intense et assez contagieuse.
De mémoire, nous nous vîmes 5 ou 6 fois, et à chaque fois il s’agissait de retourner vers cet endroit, avec plus d’aisance. A chaque séance, sa confiance grandissait, jusqu’au moment où il n’a plus eu besoin de moi pour y retourner. A la dernière séance, il me dit en arrivant qu’il avait pu retrouver cet état plusieurs fois au cours de la semaine écoulée, qu’il y allait désormais instinctivement, mais qu’il en ressortait après pour conserver un rapport normal avec le quotidien : il est vrai que dans cet état il semblait un peu décalé et béat.
Je crois que cette exploration fut aussi marquante pour lui que pour moi : elle m’a ouvert la porte à de nombreuses réflexions et fait avancer sur la quête de ces états de conscience absolus, tels que ceux décrits dans de nombreuses traditions de part de monde.
A la même époque, j’accompagnais avec un écrivain alcoolique. Ecrire sans sa bouteille de rhum était pour lui inimaginable. Tandis qu’il me racontait son addiction et son incapacité à obtenir son état créatif en restant sobre, le lien avec mon musicien est apparu comme une évidence : si j’avais pu aider ce violoniste à se recréer un ressenti digne d’un état de « high », je pouvais bien aider un écrivain à accéder à l’inspiration. La différence, c’est que lui savait trouver son état désiré : sa porte d’entrée personnelle était l’alcool. Pour ma part, j’étais persuadé que les mots feraient un guide tout aussi efficace.
Je prenais des rdv avec lui le matin, seule solution pour l’avoir dans un état de conscience ordinaire et bien entendu je me servais de son imagination, plus développée que la moyenne.J’usais de placebos : nous remplissions un verre d’eau qu’il buvait à petites gorgées en imaginant que c’était son rhum habituel. Dans un léger état d’hypnose, suffisant pour qu’il hallucine l’odeur et le goût de l’alcool, je lui demandais de décrire les effets que ce premier verre devait avoir sur son organisme et ses perceptions.J’attirais son attention sur les sensations de son corps pour amplifier le vécu. Sa mémoire de milles cuites l’aidait à me décrire le processus avec précision. Une heure plus tard, mon bonhomme était passablement soul, avait du mal à articuler et me disait avoir besoin d’une feuille et d’un crayon pour noter les idées qui commençaient à jaillir dans son esprit ouvert ! Je le laissais se concentrer quelques minutes à son art et constatait en effet qu’il semblait à l’aise pour créer dans cet état.
Je l’ai ensuite ramené à son état normal en défaisant ce que nous avions construit.Nous avons alors convenu que cet état pouvait se créer sans alcool. Même pour un écrivain, habitué à flirter avec l’imagination et conscient du pouvoir des mots, l’expérience était troublante. Redevenu sobre, sans effets secondaires, il n’avait qu’une envie : vérifier que ce n’était pas un coup de chance.
Plusieurs séances ont ensuite été nécessaires pour affiner ce travail : comme pour le violoniste, il s’agissait de baliser un chemin, un trajet mental, de l’aider à l’arpenter dans un sens et dans l’autre.Il faut ici prendre en compte un élément important : l’imagination est mouvante. Retrouver un état de conscience précis consiste en quelque sorte à se repérer dans une forêt dans laquelle tout est susceptible de se déplacer, sans logique apparente. Retrouver son chemin n’est pas de tout repos et les points de repère ne sont pas toujours évidents…
Une fois ce travail effectué, nous avions tous les deux envie d’aller un peu plus loin : si son cerveau pouvait lui faire ressentir cet état, qu’est ce qui nous empêchait maintenant de l’améliorer ? Pourquoi ne pas créer un état qui contient les éléments recherchés dans l’état d’ébriété, en enlevant les aspects désagréables ? Pourquoi ne pas amplifier certaines caractéristiques utiles ? On dit souvent que notre inconscient n’a de limites que celle de notre imagination… alors l’exploration a continué, jusqu’à donner vie à un état bien plus intéressant que celui que le rhum était capable de générer.
Je suis resté en contact assez longtemps avec lui, ayant ensuite reçu plusieurs membres de sa famille en accompagnement. Un jour, il m’a dit avoir presque stoppé sa consommation d’alcool, mais sans l’avoir vraiment recherché : boire un verre dans un cadre amical lui était agréable, mais une fois seul il préférait jouer avec son inconscient par lui-même quand il avait besoin d’écrire ou en cas de stress. Il nommait ça ses « cuites oniriques » et se sentait évidemment en bien meilleure forme physique…
J’ai depuis utilisé cette méthode pour aider de nombreuses personnes. Bien entendu, elle n’est pas toujours suffisante ni efficace à tous les coups. Il faut aussi savoir que dans ces deux exemples, les échanges avec ces personnes incluaient un certain travail sur leur identité ainsi qu’une prise en compte des bénéfices secondaires liés aux problématiques rencontrées. Dans d’autres cas, il est important d’explorer les conséquences systémiques : familiales bien entendu, mais aussi professionnelles, et bien d’autres choses encore…
Je suis persuadé qu’avec une meilleure pédagogie des états de conscience, les comportements addictifs seraient bien moins fréquents, y compris chez les adolescents. Tout le monde aurait ainsi la possibilité d’explorer de nouvelles possibilités intérieures, de développer régulièrement de nouvelles capacités. Dans les cas exposés ici, il s’agissait de recherches autour de l’inspiration et de la créativité. Dans la séance vidéo le besoin était celui d’un simple -mais important – état de bien-être… Les recherches sont multiples et variées.
Imaginez ce que serait une société où tout le monde est initié à l’exploration des états de conscience et puisse explorer dès le plus jeune âge son immensité inconsciente ?
Kévin FINEL
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]]>Elle me parle cette voix. Les mots semblent avoir un poids, une force. Les mots s’infiltrent, comme s’ils allaient un peu plus loin que des mots ordinaires, comme s’ils voulaient atteindre une part de moi qui n’est pas habituée à être attentive à des mots. Ils me bercent ces mots, et je tangue.
Je me suis posé des questions avant cette séance. Ce sont des questions bien ordinaires, quand on ne sait pas. C’est qu’il n’est pas simple ce mot, hypnose : il en contient des questions, pour un si petit mot. Elles débordent de lui ces questions, elles l’entourent, elles le rendent difficile à lire. Il est entouré de brouillard ce mot.
Maintenant, c’est moi qui suis dans le brouillard. Quelque chose m’échappe. Je le sens, mais je ne sais pas le dire avec précision. On dirait l’un de ces moments, le matin, où on connait le rêve que l’on vient de vivre, mais où on ne peut déjà plus le formuler. Vous savez : les mots ne collent plus au rêve, ils glissent, ils se détachent, on les perd… alors les images s’éloignent et s’effacent. Quand les mots ne peuvent plus atteindre les rêves, les organiser en pensées, ils disparaissent. On s’éveille, et le brouillard avale les rivages du rêve.
Je ne sais pas à quoi je m’attendais au juste. Je m’attendais à quelque chose pourtant en allant faire cette séance. J’ai lui ait dit, à l’hypnotiseur, que je voulais tester, juste tester. Il m’a regardé avec un air entendu. L’air de quelqu’un qui a déjà entendu ça mille fois. Il a été poli : il a fait comme si c’était pour la première fois.
On s’est parlé un peu. On a parlé de moi je crois. Je ne suis pas certain d’avoir vraiment dit quelque chose d’important avec le recul. C’est que c’est quelque chose de parler de soi, comme çà, à un inconnu… Alors ça a été presque un soulagement quand il m’a demandé de fermer les yeux. Enfin, je crois qu’il me l’a demandé. Ça m’a semblé être la chose à faire, sur le coup, de fermer les yeux. Pour l’écouter, pour me laisser conduire par cette voix, par ses mots.
Et là, dans ce brouillard, ma main se soulève. C’est une chose étrange qu’une main qui se lève, quand elle le fait toute seule, je peux vous le dire ! D’habitude c’est moi qui la soulève, qui la bouge. Mais là, elle le fait sans moi. Et ce n’est pas un mouvement réflexe. Je sais ce que c’est un mouvement réflexe : on a la sensation que notre corps pense plus vite que nous, qu’il sait ce qu’il a à faire. Je sais aussi que mon corps sait faire des mouvements, comme ceux de la respiration par exemple, pendant que je suis occupé à d’autres choses. Je n’y pense pas à tous ces mouvements. Personne n’y pense : ils sont ordinaires, communs, connus… Mais là, c’est autre chose. Elle se lève autrement cette main : elle se lève et elle semble avoir quelque chose à faire. Elle se lève, car les mots, avec tout leur poids, le lui demandent. Cette main, qui m’est si familière, elle bouge par les mots et pas par moi. Son mouvement n’est pas le mien. Et puis – je le sais- je n’aurais pas bougé ma main comme ça moi.
Et, puisque ce n’est pas « je » qui lève la main, c’est qu’il y autre chose en moi que la partie qui dit « je ». Il y autre chose en moi que cette partie qui pense ces mots… et cet autre chose, là, pendant que j’ai les yeux fermés, est en train de bouger ma main. C’est perturbant, dérangeant, mais je crois que je le savais. Je crois que je m’en souviens.
Est-ce ça l’hypnose ? La découverte de cette autre chose ? La découverte qu’on est plusieurs à l’intérieur ? Est-ce ça, un hypnotiseur ? Quelqu’un qui sait parler à cette partie de nous ? Qui sait la trouver quand elle est inaccessible pour nous ?
Il dit, l’hypnotiseur, que la main va venir toucher mon visage. Elle l’écoute ! Elle infléchit son mouvement. Elle me semble joyeuse ma main, ce qui est une idée bien étrange quand on y songe. Elle emporte mon bras dans un lent mouvement, et j’ai le temps de le penser venir jusqu’au visage. J’entends la voix, elle dit : « Vous comprenez maintenant que les mots peuvent agir sur vous, sur votre corps, sur votre monde, n’est-ce pas ? Ceci transforme votre réalité ordinaire et le lien que vous entretenez avec elle… alors le doute apparaît… »
Ce ne sont que des mots, mais ils façonnent ma réalité. Ils agissent, ils remuent. Ils fissurent ce que je croyais être moi, l’unité à laquelle je m’attachais. Cette main, elle touche mon visage. Elle le découvre. Il y a quelque chose d’incertain en moi. Ce que je suis redevient incertain… et c’est une sensation bien agréable. Que c’est bon de douter, de ne plus être prisonnier de la certitude ! Je pensais être « un ». Mais je suis deux, et sans doute plus encore…
La main touche le visage. Il est étrange ce contact. Est-ce bien moi que je touche ? Je ne sais pas si l’autre est le visage, ou si l’autre est la main. Je suis l’un ou l’autre, mais je ne sais pas lequel.
Ce geste, si lent, il me raconte quelque chose. Il me parle de toutes les fois où mon corps a tenté de me dire quelque chose. Il me parle de toutes ces parts de moi que j’ai censurées. Il me parle des autres facettes de moi que j’ai oubliées.
La main touche un visage. Ce visage est un masque. La main est une marionnette. Je ne suis ni l’un ni l’autre. Je ne suis pas la partie qui dit «je » : elle n’est qu’une toute petite partie, au fond. Comment ai-je pu croire qu’elle était la totalité ?
Un silence. Intérieur, extérieur. Une sensation de paix. Je sens que j’apprends et que je change. Un nœud se défait en moi. C’est apaisant. C’était si simple en fait…
Je me souviens maintenant pourquoi je suis venu faire cette séance. Je me souviens de ce que je n’ai pas dit à l’hypnotiseur. Je n’aurais pas pu le dire de toute façon, je ne m’en souvenais pas avant cet instant. Comment ais-je fait pour oublier ?
C’est si simple. Je veux m’en souvenir après cette séance !
La main redescend. Ce mouvement, me semble plus proche. C’est ma main et je me l’approprie à nouveau. Le brouillard se dissipe. Ma main se pose et mon corps se réveille. Ce n’est peut-être pas le bon mot : réveil.
Je remonte. Est-ce bien l’hypnose qui a fait bouger ma main ? Ou ai-je fait semblant ? Il y a quelque chose dont je voulais me souvenir. C’était important non ?
La voix disparaît dans un murmure. Elle était agréable cette voix.
J’ouvre les yeux. Je me sens bien. Je suis là. Ai-je vraiment été hypnotisé ?
C’est étrange : le mot réveil ne me semble pas convenir. J’ai plutôt l’impression, à l’inverse, que c’est maintenant que je m’endors. J’ai l’impression de retourner dans un vieux songe…
Mais quelque chose a changé. Dans mes pensées, dans mon regard, dans ma respiration, il y a quelque chose de différent.
Et puis d’un coup, dans cette réalité, je me souviens…
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Je postais il y a quelques jours sur Facebook un message pour dire ma passion pour la régression hypnotique. Cette technique, dont le but est de faire remonter une personne hypnotisée dans le temps, permet d’accomplir d’extraordinaires voyages intérieurs et ouvre la porte à de multiples possibilités de travail personnel.
J’oubliais toutefois dans mon enthousiasme à quel point cette technique est aussi le lieu de fantasmes, de peurs ou d’incompréhensions : de nombreux commentaires posaient ainsi des questions sur la méthode employée, ses possibilités et ses limites… Certains témoignages évoquaient même des régressions peu éthiques, loin de celles qui permettent, lorsqu’elles sont bien menées, une si belle ouverture à soi.
En lisant ces commentaires, l’envie m’est venue d’écrire ces quelques lignes : pour parler de la régression hypnotique, l’expliquer, et aussi briser quelques mythes. Et puis, surtout, j’aimerais ouvrir la porte à ceux qui pourraient avoir un jour envie de partir en voyage à l’intérieur d’eux-mêmes, de visiter l’histoire de leur construction personnelle.
Comme beaucoup de personnes, j’imagine qu’il vous arrive parfois, au gré d’un moment de nostalgie ou d’une simple envie de flâner dans le temps, d’ouvrir votre mémoire pour remonter dans un vécu plus ou moins ancien. Comme beaucoup de personnes, vous retrouvez à ces occasions des images, des sonorités… des paroles échangées, la vibration d’un lieu, l’odeur d’un parfum… Bien-sûr, il arrive aussi, parfois, que des souvenirs surgissent d’eux-mêmes : un visage nous rappelle une époque oubliée, une photo nous fait voyager dans l’enfance… un nom, un ton de voix, une musique… Une association d’idées est vite arrivée ! La pensée s’engouffre en un instant dans le flot du temps et nous entraîne dans son sillage.
Mais tout cela se passe dans un état de conscience proche de l’ordinaire : une simple introspection, volontaire ou non, permet ce voyage fugace et superficiel.
Imaginez maintenant ce qui devient possible dans un état hypnotique. Dans cet état, une pensée est plus qu’une pensée ordinaire. L’accès au souvenir est meilleur. L’accès aux mémoires sensorielles aussi : il y a un monde entre se souvenir d’une odeur, et la sentir réellement à nouveau. Un gouffre entre visualiser un visage de notre enfance, et être là, en face de cette personne : pouvoir l’entendre, lui parler, pouvoir la toucher.
Une fois la conscience ordinaire écartée, de nombreuses ressources deviennent disponibles. Mais cela peut aller encore plus loin…
On distingue généralement les régressions hypnotiques « dissociées » dans lesquelles le sujet est conduit dans un état d’hypnose relativement léger. Dans cet état, il replonge dans sa mémoire avec plus de facilité, retrouve des souvenirs anciens et des impressions oubliées. Déjà, il est capable d’un voyage qui ouvre à de nombreuses possibilités de compréhensions, de prises de conscience, de découvertes…
Il y a les régressions hypnotiques dans des états plus profonds. Elles permettent de retrouver une sensorialité élargie, de remonter plus encore dans le temps : la pensée habituelle s’efface pour laisser place à une pensée plus instinctive, émotionnelle, qui ouvre de nombreuses portes intérieures…
Et puis, il existe les régressions hypnotiques « associées ». Ici, l’expérience est complète : si la personne hypnotisée a 40 ans, quelques minutes après elle n’en a plus que 20, 10 ou 5. Parfois moins. Arrivée là, si elle ouvre les yeux, elle ne reconnaîtra le lieu où elle est, ni la personne qui l’accompagne. Elle est ailleurs, elle y est vraiment. 40 ans ? C’est un futur ! De la science-fiction. On ne se pose pas cette question à 5 ans ! On a d’autres choses à raconter à 5 ans. Bientôt, ce sera 5 ans et demie… mais même ça, c’est loin. Il y a un monde à découvrir d’ici là !
C’est ici que la régression devient merveilleuse… Quand, capable de replier le temps, une personne replonge réellement dans le passé. Le passé devient alors présent et le présent un futur. Les souvenirs de ce futur ne sont temporairement plus accessibles à la conscience. Ils sont temporairement enfouis, mis de côté, « censurés ». Et ce présent devient la totalité. Sensoriellement, émotionnellement, il devient la seule réalité tangible. Comme nous allons le voir ensuite, cette réalité est même susceptible d’en influencer une autre : de réécrire l’avenir…
La première chose qui m’étonne dans ce genre d’expériences, c’est la capacité qu’a notre esprit à accomplir de telles prouesses. N’est-ce pas saisissant ? Cela fait partie de ces expériences qui me font dire que nous dormons quotidiennement sur une mine de possibilités : en comparaison, la pensée et l’imagination du quotidien font pâle figure. Cela revient à comparer la charrette à bras à un lanceur de la N.A.S.A. ; les graphismes minimalistes du premier « Pong », à la réalité virtuelle en haute résolution ! Nous avons développé des sondes capables d’explorer jusqu’aux confins du système solaire, mais pour ce qui est du développement de nos possibilités internes, nous en sommes à l’âge de pierre.
Pourtant, s’il est déjà extrêmement plaisant de revivre « comme pour la première fois » des moments forts de notre existence (notre naissance, un coup de foudre amoureux, un moment de bonheur…), c’est le travail interne permis par la régression qui est, de loin, le plus passionnant : explorer le passé, c’est l’occasion de travailler sur sa construction personnelle, sur son évolution, d’explorer la genèse des limites apprises, des conditionnements ou encore des peurs qui nous habitent… et peut-être est-ce l’occasion de les transmuter.
Comme le dit avec humour Gustave Parking, « les grands mythes on fait de grands trous dans l’histoire ». Et s’il y a bien un sujet qui charrie des mythes qui lui nuise, c’est bien l’hypnose. Pour la régression, ils sont nombreux : tordons le cou aux principaux !
Faux. Si on constate que le simple fait d’être en hypnose nous permet d’accéder à une mémoire étendue et à des détails autrement inaccessibles, il n’est jamais certain que ces souvenirs retrouvés soient totalement exacts.
Tout d’abord, et contrairement à ce que l’on croit généralement, il est extrêmement facile de créer ou de se créer de faux souvenirs, même sans hypnose. De nombreuses personnes ont exploré cette question… et les résultats sont pour le moins effrayants : par exemple, il a été constaté dans le cadre d’enquêtes policières, que 30% des personnes innocentées par des examens ADN avaient pourtant avoué… des crimes qu’elles n’avaient pas commis.
Sans rentrer ici dans les détails, notre mémoire semble se reconstruire à chaque fois qu’on fait appel à elle et de nombreux biais peuvent l’influencer. Parmi eux, nos émotions, nos croyances, notre besoin de cohérence forment de véritables miroirs déformants. Et cela se passe dans un état ordinaire de conscience. Mais, ajoutez à cela un état hypnotique et vous amplifiez ces biais et autres déformations : dans ces états, l’accès à l’imaginaire est largement facilité et la pensée logique mise de côté. [1] [2]
Ainsi, si je pars dans mon passé en espérant y trouver quelque chose, je risque autant de le retrouver que de le créer. Dans ce cas, mon besoin de cohérence peut pousser mon imagination à créer un souvenir qui me semblera logique. Et bien entendu, si j’ai peur de trouver quelque chose, je me fais aussi une suggestion qui peut amener à construire ce que je fuis.
On pourrait en déduire un théorème : l’inconscient est prêt à nous créer un faux souvenir, si nous espérons qu’il existe, ou si nous avons peur qu’il existe.
Bien sûr, à côté de cela, il existe aussi des exemples étonnants de personnes capables de remontrer des informations vérifiables et extrêmement précises de souvenirs très anciens. De telles prouesses ouvrent la porte à une possible hypermnésie sous hypnose. Mais aucun moyen permet de discerner à coup sûr le vrai du faux, le concret du fantasmé.
Maintenant, est-ce un problème ? Non : on n’accompagne pas une personne en régression pour trouver une vérité ou pour mener une enquête. Un praticien en hypnose, qui a une éthique solide, refusera même catégoriquement une demande de vérité ! [3]
Une régression est proposée comme on le verra plus tard, pour explorer notre construction subjective et non la réalité objective.
Comme beaucoup, j’ai été bercé par ces histoires étranges : d’aucuns racontent qu’en retrouvant l’origine d’une problématique on s’en libérerait. Que la catharsis serait l’élément clef de tout accompagnement thérapeutique…
A cela je répondrai que j’ai reçu en consultation des centaines de personnes qui avaient eu accès à des remémorations de souvenirs traumatiques dans d’autres formes d’accompagnement. Invariablement leur discours était le même et elles sont venues me voir en me disant que ça n’avait rien changé. Pire même : certaines de ces personnes – et ce n’est pas rare – se sentaient encore plus mal après que l’amnésie qui les protégeait ait été levée. Combiné à l’idée précédente, on peut même se demander si dans le lot certains ne souffraient pas à cause de souvenirs créés de toute pièce par les suggestions d’un praticien peu au fait du problème des faux souvenirs… mais cherchant à tout prix une explication, une raison, un souvenir refoulé, pour justifier des problématiques présentes.
Ces personnes souffraient donc d’une plus grande proximité avec l’objet de leurs angoisses et de leurs peurs. Faire revivre un traumatisme, sauf à vouloir nuire à quelqu’un, s’avère être une bien mauvaise idée.
Et surtout, ce n’est pas du tout l’objet d’une régression en hypnose.
Tout se joue dans la petite enfance.
Non, là encore, ce sont de simples superstitions qui amènent à ce genre d’idée. Bien entendu, l’enfance et la petite enfance sont des moments importants de notre vie, mais une régression n’a pas toujours pour but d’aller aussi loin. Ramener quelqu’un aux premiers moments de sa vie est une chose impressionnante, une expérience marquante, et je suis persuadé que toute personne devrait la vivre au moins une fois. Toutefois, un excellent travail peut être accompli en remontant quelques années en arrière avec un sujet sous hypnose. Remonter à la racine, à l’intention première, n’est pas indispensable.
Mais alors, s’il ne s’agit pas de retrouver des traumatismes et de les revivre, si ce n’est pas toujours une régression dans la petite enfance, et si on n’est pas certain de la véracité de ce que l’on retrouve, pourquoi donc faire une régression ? A quoi sert donc cette technique ?
Peut-être, tout simplement, à explorer autrement le présent…
Clara a 30 ans, elle est venue me consulter pour des angoisses qui semblent être présentes, sans raison apparente ou connue : « depuis toujours ». Elles prennent de la place ces angoisses, de l’énergie aussi. Elles lui donnent la sensation de ne pas pouvoir avoir confiance en elle et encore moins en la vie. Elle se décrit comme « éteinte » et « rongée ». Ces angoisses prenant parfois la sensation d’un nœud dans sa poitrine, parfois celle d’un vide, d’une absence…
Elle parle peu et semble intimidée à l’idée de l’hypnose… mais est-ce par l’hypnose que les personnes sont intimidées, ou par l’idée de l’inconnu que l’on peut découvrir en entrant à l’intérieur de soi ? Comme beaucoup de personnes que j’ai pu croiser, elle a tenté de nombreuses solutions pour travailler sur elle et elle semble épuisée. Elle vient pour tenter quelque chose de nouveau, avec un peu d’espoir, au cas où… mais pas trop : « vous comprenez, j’ai peur d’être déçue… »
Rapidement, je lui propose une petite expérience pour modifier son état de conscience. Quelque chose de léger, pour commencer. L’idée d’y aller doucement semble la rassurer… et à peine les yeux fermés, elle s’abandonne, totalement, comme si se laisser guider était un soulagement…
Pourquoi avoir choisi d’aller vers une régression hypnotique avec Clara ? Il serait long d’expliquer ici en détail les raisons qui font que l’on choisit une approche plutôt qu’une autre pour accompagner quelqu’un : les facteurs de décisions sont multiples. mais, pour répondre à une question que l’on me pose parfois, ce n’est pas le client qui dit « je veux une régression ». On parle, on échange, et de là le praticien choisit ses outils et sa stratégie (Peut-être que ce thème fera l’objet d’un futur article ici).
Au fil des mots, l’état d’hypnose s’approfondit. Minute après minute un nouvel état de conscience prend naissance : dans celui-ci, la réalité est malléable. Un peu comme un forgeron qui porte son métal à haute température pour pouvoir le travailler, l’hypnotiseur chauffe l’esprit de son sujet pour le faire passer de la rigidité des conditionnements à la fluidité et la plasticité d’une liberté intérieure.
Puis, vient le moment de remonter dans le temps : je lui propose de retourner, progressivement, vers une époque de sa vie où cette angoisse n’existait pas encore.
Elle a 4 ans. Son visage n’exprime plus le poids des ans, une innocence s’y dessine. Elle me dit quelques mots, des mots simples ; prononcés avec une voix d’enfant. Elle semble joyeuse. Elle semble attendre quelque chose. Je lui demande de prendre du recul, de se regarder depuis l’extérieur. De se regarder avec tout son esprit.
Elle a 30 ans. Elle observe une ancienne version d’elle-même qui a 4 ans. Une émotion monte, des larmes. « Je sais où elle est : chez mes grand parents. Ce jour, c’est le dernier où elle…. où je verrais mon grand-père. Je l’aimais si fort… ». D’autres émotions, plus fortes encore, remontent à la surface. A cet instant, elle sait ce que cette petite fille va vivre, ce qu’elle va éprouver : elle connait son avenir puisque c’est son passé. Ce jour est celui d’une première rencontre avec la mort, avec le vide et l’absence. Elle sait aussi une chose, importante et même déterminante : elle sait ce que cette ancienne elle-même, à 4 ans, n’a pas pu dire. Elle sait ce qu’elle aurait aimé entendre aussi et qu’on ne lui a pas dit. Il y a l’événement en lui-même et il y a la façon dont il a été traversé. Alors je lui suggère d’aller la rencontrer, dans ce moment ou tout va bien, ce calme avant la tempête. Elle s’approche. Un contact. Elle lui/se parle, lui/se prend la main. Elle lui murmure quelques mots… lui donne ce qu’elle-même n’a pas eu. Elle soigne par avance cette petite fille qu’elle connait si bien : elle prépare sa résilience. Elle trouve les mots justes, le bon regard, la bonne intention…
Je lui suggère de laisser passer quelques jours : le temps avance. Elle voit cette ancienne Clara, cette fois dans le chagrin. Elle va la voir à nouveau, et là aussi elle trouve les mots…la prend dans ses bras et l’autorise à se libérer de l’angoisse naissante. Elle rassure, console et comprend.
Je lui suggère de laisser passer quelques jours encore. Une autre rencontre, d’autres émotions… mais cette fois, la petite fille qu’elle voit est légèrement différente de celle qu’elle-même a été : elle a pris une autre direction. Quelques mots, des émotions partagées, une attention, un contact… c’est si peu de choses en apparence ! Mais le passé se réécrit à partir de ce décalage minime.
Elle sent cette différence. Elle sent que cette ancienne version d’elle-même a pris un chemin nouveau. Mais quel est l’écho de ce changement à travers le temps ? Je lui propose d’abandonner le présent, de devenir cette Clara de 4 ans, et de cheminer à partir d’elle vers l’avenir.
Elle a 4 ans, et elle sourit. Elle me dit quelques mots avec sa voix d’enfant. Quelque chose est différent dans son regard : un éclat, une maturité aussi… une liberté, une légèreté.
Le temps avance, le futur se précipite à nouveau… les années défilent et nous revenons au présent partagé.
A l’intérieur de Clara, il y avait toujours eu une petite fille de 4 ans qui n’avait pas pu apaiser son angoisse. Désormais, cette partie d’elle a grandi elle aussi.
Elle ouvre les yeux, l’éclat est là. Son sourire, lui aussi, témoigne du changement intérieur. Elle porte la main à sa poitrine, comme si elle cherchait quelque chose…. « il n’y a plus de vide, c’est plein ». Elle émerge. On ne revient pas à soi après une séance d’hypnose, tout comme on ne revient pas tout à fait d’un voyage : dans les deux cas, celui qui revient n’est pas tout à fait celui qui est parti. Pour elle, ce présent est différent. Son corps l’est aussi : il est libéré du poids du passé.
“La conception que tout individu a du monde est et reste toujours une construction de son esprit, et on ne peut jamais prouver qu’elle ait une quelconque autre existence.” Erwin Schrödinger, L’esprit et la Matière.
La régression hypnotique ne se cantonne pas à la technique présentée dans ce cas : on peut aussi l’utiliser pour retrouver des capacités anciennes, se reconnecter à de vieux apprentissages et pour bien d’autres choses encore … l’outil est vaste et cet article ne prétend pas faire l’inventaire de ses possibilités.
L’idée est en tout cas de travailler sur notre construction personnelle. Nous nous racontons une histoire sur nous-mêmes, et cette histoire, nous l’appelons le passé. Cette histoire n’est pas objective, elle est mouvante et à la lumière d’une nouvelle information il nous arrive de la transformer. Parfois, en cheminant à travers les âges, en avançant dans notre vie, nous vivons un événement qui nous marque profondément, qui nous blesse et nous déstabilise. Nous n’avons ni les outils, ni les connaissances, ni le recul pour le gérer. Alors nous continuons à avancer en laissant une partie de nous en arrière, engluée dans le passé.
Puis, en suivant notre chemin, nous prenons de l’expérience, de la force, de la sagesse et bien d’autres qualités encore.
Ainsi transformés, nous pourrions retourner en arrière et libérer cette partie que nous avons abandonnée sur le chemin… mais peut-être l’avons-nous oubliée ? Peut-être n’avons-nous pas l’idée d’aller la chercher ? Peut-être ne savons-nous pas que c’est possible… et peut-être, tout simplement, que notre état de conscience ordinaire ne nous permet pas de retourner là où elle nous attend depuis si longtemps.
En hypnose, il est possible de se souvenir, de revenir. De donner, de réparer et de faire grandir.
Beaucoup de personnes ont abandonné des parties d’elles-mêmes sur leur chemin…
Elles sont toujours là, à les attendre.
Il suffit de fermer les yeux…
Kevin FINEL
1 : http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0956797614562862
2 Loftus, E. F. 2005. “Planting misinformation in the human mind : A 30 year investigation of the malleability of memory”.
3 : http://www.prevensectes.com/psycho2.htm
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]]>Je n’ai pas écrit sur ce blog pendant plus d’un an..
Ecriture et lancement d’une pièce de théâtre sur l’hypnose, , développement de notre centre de recherche… et quelques projets qui se sont ajoutés dessus ont fait de 2016 une année un peu chargée… ce qui m’a amené à délaisser l’écriture.
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]]>Je relisais il y a peu les « feuillets d’hypnos», de René Char. La référence au dieu Grec me plait : pendant la 2e guerre mondiale, résistant actif, le poète se surnomme hypnos : celui qui veille sur le peuple qui dort. Il est le gardien de la nuit, qui reste réveillé quand le monde est endormi.
Il fallait sans doute un poète pour se rappeler le rôle de ce dieu ancien et par là-même, la signification première de notre pratique / métier / passion.
Nous ne tirons pas notre nom de Morphée, qui endort les mortels et dirige leurs rêves : la morphine, si elle est souvent utile, n’est sans doute pas le meilleur vecteur d’un éveil de la conscience…
Nous tirons notre nom de son père, Hypnos. Le dieu qui pouvait endormir les dieux, et Zeus lui-même !
Il le fait lors du siège de Troie : Zeus s’oppose à ce que les autres dieux aident les Grecs, Hypnos l’endort alors pour leur permettre d’intervenir pendant son sommeil.
J’y vois une belle métaphore de notre métier : lorsque nous hypnotisons quelqu’un, nous ne cherchons pas à endormir son être afin de le reprogrammer, comme le veut la croyance populaire. Non, nous cherchons plutôt à passer au-delà de la partie qui contrôle l’ordre établi, pour permettre à d’autres ressources, à d’autres possibles de s’exprimer.
Mon souhait, pour cette année, est qu’une pratique de l’hypnose qui va dans ce sens puisse se (re)développer. Une hypnose éthique, esthétique, poétique. Une hypnose utile surtout, et bénéfique.
Encore faut-il que les praticiens en hypnose puissent exprimer leurs talents sans embûches !
Et éviter les dangers qui pointent à l’horizon :
– Que l’hypnose soit récupérée par une profession unique. Certains médecins – très peu heureusement, mais on les entend ! – aimeraient aller dans cette direction, ceux-là même qui nient que l’hypnose est un art à part entière et que sa pratique consiste en un métier indépendant. Ceux qui pensent que seuls ceux qui ont le droit de soigner peuvent hypnotiser.
Confisquer cette pratique, pour une profession ou pour une autre, serait la réduire à une fraction de ce qu’elle est.
L’hypnose est une technique de communication : avec soi, avec les autres et avec le monde.
Elle peut être utile à la médecine, elle peut être utile à l’enseignement, au coaching, au management, à la négociation, à la performance, à la création artistique et à mille autres métiers.
Mais n’est-elle pas une matière indépendante ?
Elle est comme les mathématiques : utile en des endroits multiples, mais rattachée à aucun en particulier.
Je souhaite que nous développions ces différentes facettes pour que personne, jamais, ne puisse l’enfermer.
– Le spectacle, qui donne une image déformée et parfois effrayante.
L’hypnose peut être un bel outil de spectacle ! Mais parfois, le besoin de sensationnel et d’audience la fait aller vers le facile, le superficiel, et même le sordide.
Il est possible de proposer des numéros qui montrent l’hypnose sous un jour positif, même en étant dans le spectaculaire.
Il est possible de créer des spectacles hypnotiques qui éveillent la curiosité, l’attrait vers les « profondeurs » de notre être.
Je souhaite que les hypnotiseurs de spectacles pensent à tous leurs confrères accompagnants, qui utilisent cet outil au service des autres.
– Les guerres de chapelle, qui décrédibilisent la pratique.
Je ne pense pas être le seul à être lassé des conflits entre écoles et courants de pensée. Que d’énergie perdue dans des débats interminables qui, au fond, reposent plus sur des considérations mercantiles que sur de véritables convictions professionnelles.
Je souhaite que chacun fasse au mieux, travaille, cherche, publie, pratique…
Je souhaite que les écoles d’hypnose communiquent entre elles, travaillent à renforcer la qualité des praticiens, tout en conservant et même en développant leurs spécificités et particularités.
– Enfin, je pense qu’il est temps de faire émerger notre discipline en lui donnant un fondement théorique propre, en l’émancipant des termes et définitions Freudienne pour lui créer son propre vocabulaire, ses propres définitions. Les linguistes le savent : on pense avec les mots qu’on nous donne. Il est difficile de penser nouveau avec des mots usés, connotés.
Je souhaite que l’on sorte progressivement des termes « conscient » et « inconscient » et de la prison conceptuelle qu’ils nous ont créée.
Parlons de la subjectivité et de ses modifications. Parlons des différentes formes de suggestibilité. Parlons des hypnoses au pluriel et non d’un état unique et identifié qui sera – à raison – toujours soumis à controverse. (Pour cela nous avons créé les cours d’hypnologie et c’est une porte ouverte vers la recherche, et de nouvelles pensées.)
Tout cela pourrait nous rapprocher des racines de l’hypnose…
Je vous souhaite, à tous, une année merveilleuse. Inspirante. Hypnotique.
Kévin Finel
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]]>Images, sons, sensations, odeurs… Le monde nous soumet à un flux incessant de suggestions qui viennent percuter notre être, l’influencent et le façonnent. Nos sens captent et notre cerveau assimile ces suggestions avec une vélocité qui dépasse notre entendement et qui se passe de notre décision, de notre autorisation. Depuis le premier instant de notre vie, ce matériel sensoriel nous a permis de comprendre le monde et d’interagir avec lui…
Quand l’œil s’habitue à déceler l’impact de ces suggestions, apparait une danse fascinante, onirique et subtile. Une danse permanente, entre chaque identité et cette expérience sensorielle du monde. Presque une lutte, entre le chaos formé par la densité d’informations que le monde nous envoie et quelque chose en nous qui, inlassablement, tente d’organiser et de créer une cohérence.
Le résultat est un assemblage particulier, une configuration unique. Une œuvre subtile et changeante : la naissance d’une subjectivité, d’une identité.
Tout commence par un regard… L’œil s’exerce pour pouvoir observer le mouvement des suggestions.
Au début, c’est le monde tel que nous le connaissons, tel que nous nous voyons. Mais nous pouvons nous souvenir que tout cela n’est qu’un amas d’informations, de suggestions. Nous pouvons nous souvenir que nos yeux ne sont que des capteurs et que c’est notre cerveau qui assemble l’image qui lui est transférée. Il nous en offre alors un assemblage, une représentation.
Ces suggestions forment la trame du monde, elles en sont le langage. Elles suivent leur propre rythme, leur propre évolution jusqu’à ce qu’elles rencontrent une identité capable de les capter et de les transformer…
Le regard d’un hypnotiseur apprend à suivre le trajet des suggestions, à observer le lieu où elles convergent.
Tout comme une pluie de météorites qui se trouvent irrésistiblement captées, attirées par la gravité d’une planète, les suggestions vont à la rencontre des identités qui sont proches de leurs trajectoires naturelles. Leurs subjectivités interagissent avec elles en les captant, en les aspirants. C’est même à partir de cette interaction qu’une identité se construit et se modèle. Elle a besoin de ces suggestions pour se définir et évoluer car elles constituent l’information, qui est la nourriture des identités subjectives.
Observer et suivre ces trajectoires est un spectacle grandiose et captivant. Cela demande de prendre le temps, d’observer avec patience, tout comme on le fait avec un stéréogramme, jusqu’au moment où la réalité habituelle s’efface pour laisser place à la perception du mouvement des suggestions. L’influence de chacune de ces suggestions sur une identité devient alors perceptible.
Chez un nouveau-né, il n’y a aucune résistance. Une planète sans atmosphère n’est pas protégée et se trouve bombardée avec violence, soumise à des chocs, percutée et ballotée dans l’espace immense… A l’aube de la vie, la subjectivité prend l’information de façon brute, nue, sans analyse et sans retenue.
Puis, progressivement, l’identité se forge. L’enjeu est la survie, la continuité. Chaque nouvelle expérience doit être une façon d’apprendre, de comprendre, pour reconnaitre et anticiper. C’est une adaptation au monde et à ses règles. La subjectivité apparaît. Elle dévie, absorbe, dissout… atténue ou tord ce flot de suggestions.
Enfin, avec la subjectivité, se forment des états de conscience. Chaque état de conscience fonctionne tel un point d’assemblage du réel : une façon d’assembler l’expérience sensible pour nous donner une accroche : ils sont des interfaces.
Notre état de conscience « ordinaire » est celui que nous connaissons le mieux, celui qui semble parfois nous définir. Il est notre masque le plus exploré et connu. Il est notre moyen privilégié pour lire le monde et de le rendre compréhensible, pour interagir avec lui. Au fond, il n’est jamais réellement stable : toute suggestion agit sur lui et le modifie, l’influence. Aussi, sa condition est d’être flexible, souple, pour permettre une adaptation permanente, tout en gardant une continuité qui nous apporte une sensation de connu, de sécurité. L’identité s’appuie sur lui pour se maintenir dans sa cohérence.
Mais, certaines choses agissent parfois sur lui avec trop d’intensité : la fatigue, les émotions fortes, l’imagination et la méditation, le divertissement ou une forte concentration… ou encore ces substances variées, récréatives ou sacrées tels l’alcool, certaines plantes rituelles et autres drogues… L’hypnose !
Devant ces pressions, l’état de conscience ordinaire sort de son lit comme un fleuve en temps de cru. Nous sommes projetés dans d’autres manières d’assembler le réel, nous explorons et perdons nos repères. Le monde est/semble alors différent, transformé. Il se comprend autrement.
Chacun fuit et recherche, tour à tour, ces modifications. Les fuir est sécurisant : ils sont imprévisibles, créent des remises en cause et brisent les zones de confort. Ils mettent à mal la logique et la rationalité : l’être le plus intelligent semble malhabile devant une émotion !
Les rechercher est ressourçant, parfois salvateur : une vie trop stable et prévisible ressemble à la mort, et quelque chose en nous fuit le trop connu. Et surtout, ils sont une clef pour envisager notre condition. Ce n’est pas un hasard si toutes les formes de traditions, d’introspection, mais aussi les thérapies et le développement personnel, se basent sur une modification directe ou indirecte de notre état habituel.
Ainsi, l’état ordinaire est soumis à d’incessantes pressions externes, de par le monde lui-même, et internes, de par les désirs et les passions. S’ensuit un équilibre délicat : l’identité se meut sur un fil.
Quand notre œil apprend à observer ce phénomène, c’est la danse des états de conscience qui devient perceptible.
Elle est le résultat de cette lutte entre extérieur et intérieur.
Tout l’art de l’hypnotiseur consiste à voir, puis à favoriser ou à affaiblir certaines de ces pressions pour influencer l’état de conscience ordinaire, le modifier, le modeler. Il agit avec tact et discrétion, sans jamais aller trop loin : l’identité est une chose fragile.
Par son travail, il aide l’identité à modeler les états de conscience / interface les plus adaptés à sa sensibilité. Il adoucit les chaos et assouplit les rigidités. Parce qu’il observe cette danse, il transmet sa compréhension et sa vision, pour guider l’identité et l’aider à dompter le monde des suggestions.
Quand le monde s’assemble dans l’identité.
Certaines personnes s’émerveillent d’une peinture ou d’un paysage, d’un film ou bien d’un livre. Pour certains la musique est une invitation à découvrir l’univers, d’autres voient des formules mathématiques en regardant le vivant. Pour moi, d’aussi loin que je me souvienne, c’est cette danse qui me semble être la chose la plus sublime et la plus sacrée. Avec mon regard d’hypnotiseur, je la considère comme une ode à la complexité de notre monde. En elle se trouve une des clefs de compréhension de cet univers mystérieux et étrange dans lequel nous évoluons.
Pour paraphraser Teilhard de Chardin, peut-être n’existe-t-il pas un univers unique mais chaque vision, chaque identité, contient-elle subjectivement l’ensemble de l’expérience universelle. Peut-être chaque personne, par la façon dont sa conscience assemble le monde est-elle, en elle-même, un univers à part entière, total et cohérent.
Ainsi, il me semble qu’en regardant et en ressentant les modifications d’états de conscience d’une personne, il est possible d’accéder à un tout, peut-être à la totalité. C’est pour moi ce que cherche à percevoir un regard d’hypnotiseur. Et c’est ce qu’il tente d’enseigner, en ouvrant la porte à l’exploration des états de conscience et de leur modification.
Kevin Finel
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]]>C’était une magnifique journée d’automne, comme il en existe dans l’Est de la France. Les arbres changeaient de couleur, l’or succédait au vert et les feuilles commençaient à danser dans le vent. L’air et la lumière étaient chargés d’une douce mélancolie et le temps semblait comme suspendu… C’est en tout cas ce que je ressentais en regardant par la fenêtre. A moins que cette impression ne m’ait été donnée par cet interminable cours d’histoire… péniblement transmis par la voix monocorde d’un enseignant qui semblait recéler le pouvoir étrange d’engourdir et même d’anesthésier les aiguilles de ma montre.
J’avais 14 ans et je venais d’entrer au lycée. Les premiers jours, enhardi par la nouveauté, le passage à la « grande école », je m’attendais à vivre un contenu un peu plus passionnant que lors des années précédentes… Je me suis vite résigné : la nouveauté passée, je m’ennuyais ferme. Et ce jour-là, peut être encore un peu plus que les autres…
Il y a plein de formes d’hypnose, et celle opérée par notre enseignant était d’un genre soporifique, à l’opposé totale de celles qu’on enseigne dans une école d’hypnose : au lieu d’être captivante, elle donnait à votre esprit une irrésistible envie de fuir, loin, vite. Mon regard porté à l’extérieur, comme pour tenter de s’évader et de respirer un air plus vivant, a du finir par se brouiller. Depuis l’automne, une fenêtre s’est ouverte sur mon imaginaire…
Vous le savez : parfois on vit un moment en sachant avec une étrange certitude qu’il est important, et ce même si on n’en mesure pas encore toute la portée. Dans ces instants de vie, notre mémoire est suractivée, comme si notre cerveau se disait : « Là, je dois tout retenir, on va en avoir besoin pour plus tard !». Aussi, de longues années après, il m’est simple de retrouver avec précision chaque détail, même de ce qui n’était pas en réel lien avec les facettes importantes de cette expérience : les vêtements que je portais, l’odeur particulière de cette salle de classe, le timbre d’une voix que je m’efforçais de mettre à distance pour continuer à rêver… en fermant les yeux je me souviens encore du moment où mon esprit s’est demandé : ne pourrait-on pas imaginer différemment l’école ?
Pendant des jours et des jours mon esprit a considéré cette question et ses conséquences. Ça a été le début d’une grande exploration… qui a sans doute contribué à la création de l’Arche, à mon amour de l’hypnose et a posé les bases de ma façon de penser cette discipline.
Il y a quelques années je suis retombé sur des notes prises pendant cette période, précieusement conservées au fil des années… Bien sûr, elles ont un côté un peu naïf, enfantin… mais l’essentiel était là. En y ajoutant un peu de recul, d’expérience, de matière, je peux maintenant lui donner une dimension plus concrète : voici, à mon avis à quoi devrait ressembler l’école, une école hypnotique.
A mon sens, à nous préparer à la vie, à ses exigences, à ses possibles. A une vie riche, pleine, imprévisible, avec son lot de bonheurs et d’interrogations, de doutes, d’incertitudes, et d’inconnus. Nous préparer à en vivre toutes les facettes, à être capable d’analyser, d’observer et surtout de nous adapter.
Nous pourrions reprendre ici la célèbre formule de Pindare : « deviens qui tu es ». C’est à devenir ce que nous sommes que l’école doit nous préparer. Si l’idée de devenir ce que nous sommes déjà peut sembler contradictoire, elle prend tout son sens quand on l’applique à un processus éducatif dont le but est de nous révéler à nous-même : nous disposons tous de qualités, de talents, d’une unicité. Toutefois, cela est à l’état latent et nous avons besoin de nous confronter à des expériences de toutes sortes pour le révéler, le comprendre et nous l’approprier. Une « bonne » école nous permet de nous rapprocher au mieux de ce que nous pouvons être, de disposer des outils pour l’accomplir.
A l’heure actuelle, est-ce le cas ? Seulement de façon très – trop partielle…
Quand on demande aux personnes ce qui forme un programme scolaire logique, certains apprentissages reviennent de façon quasi systématique : apprendre à s’exprimer, à lire, à écrire et à compter sont les apprentissages qui sont naturellement cités en premier.
Or, à quoi sert de savoir s’exprimer ou écrire ? A exposer sa pensée et donc à communiquer.
A quoi sert de lire ? A accéder à l’apprentissage, à la pensée d’autres personnes, à la connaissance et à l’information.
A quoi sert de compter ? A échanger et à mieux comprendre le monde.
Les autres matières vont dans le même sens : apprendre l’histoire, la physique, la géographie ou les mathématiques nous permet de nous forger un point de vue sur notre monde, de tenter de le comprendre dans sa globalité et dans sa complexité.
Souvent on ne voit que la matière enseignée, par habitude, parce qu’elle fait partie de ce qu’on a tous appris, mais il est parfois plus important encore de comprendre l’intention derrière une matière : son but, son objectif, sa raison d’être. Par exemple, pourquoi a-t-on un jour pensé qu’il était important pour tout le monde de savoir résoudre une équation ?
En examinant les principales matières, on en arrive dont à la conclusion que l’école nous prépare au monde, en nous donnant 3 capacités principales :
Je suis personnellement convaincu que ces 3 ressources sont primordiales, indispensables. Qu’une personne qui les maitrise aura de solides atouts pour s’adapter à ce monde. Mais deux éléments me posent question :
Aucune de ces trois ressources n’est donc réellement développée chez les enfants qui fréquentent l’école aujourd’hui… – sauf par endroit, grâce à des enseignants qui, courageusement, désirent apporter quelque chose de plus.
Ce qui est tout aussi remarquable est que les apprentissages de l’école ne se sont pas adaptés aux évolutions actuelles, comme si le monde avançait trop vite pour un système éducatif de plus en plus obsolète.
Il y a peu de temps, à l’échelle humaine, chaque homme pouvait envisager d’acquérir la totalité des connaissances humaines. Ce temps est révolu. Dans un monde qui évolue aussi rapidement, dans lequel un étudiant en faculté de sciences apprend une proportion non négligeable d’informations qui seront déjà remises en cause à peine ses études terminées, apprendre à chercher et analyser l’information est bien plus important que d’apprendre par cœur un cours..
Communiquer aujourd’hui demande des facultés d’adaptation à des langages et à des cultures variées. Mais plus que ça, on attend d’une personne qu’elle puisse avoir plusieurs modes de communication, tant elle va rencontrer des défis imprévisibles dans sa vie, sans commune mesure avec ceux rencontrés par la population sédentaire, ne fréquentant qu’un milieu social unique, des générations précédentes.
Aussi, dans une société ou on est bombardé d’informations, comprendre le monde demande de l’esprit critique, des points de vues changeants. Savoir chercher l’information, comprendre les lois de la suggestion, avoir une vision claire des mécanismes inconscients, voilà qui me semble fertiliser des ressources bien plus importantes que n’importe quel diplôme universitaire.
Enfin, ces trois qualités sont certes importantes, mais ne sont surtout plus suffisantes…
Partant de ce constat, j’ai peine à concevoir que l’on puisse simplement rectifier tel ou tel point. Non seulement les résistances me semblent si fortes qu’elles demanderaient une énergie considérable pour être dépassée – énergie qui gagnerait à être mise à profit d’un travail plus créatif et constructif. Mais aussi j’ai à l’idée que notre imagination est souvent plus forte quand elle est libre… et quoi de plus libérant que de partir de zéro, de construire à partir de rien ?
Je crois que la valeur la plus essentielle à transmettre à un être humain est la liberté, elle l’est encore plus pour la construction d’un enfant. A mon sens, la liberté ne s’acquiert pas par le renoncement aux règles, mais par la connaissance et le dépassement de soi, par l’intelligence du rapport au monde. Je pense que la liberté se conquiert. Donc, la question que je me pose pour commencer à penser à une école nouvelle est celle-ci : comment donner à un enfant les outils pour qu’il soit à même de réaliser cette conquête ?
Je citais plus haut 3 capacités historiquement transmises à l’école : la capacité à communiquer, la capacité à apprendre et la capacité d’analyser et de comprendre le monde. Si l’on peut partir sur de nouvelles bases, ces capacités doivent à mon sens être complétées .
Je ne vais pas rentrer ici dans tous les détails, l’idée de cet article est de proposer un aperçu général, d’ouvrir une fenêtre et non d’être exhaustif.
Donc, voici les matières qui seraient au programme de cette « nouvelle école ».
– Cours d’apprentissage
C’est la base : commencer à comprendre comment nous fonctionnons et comment nous apprenons. Il m’a toujours semblé aberrant que l’on nous demande dans toute notre vie d’apprendre, sans que personne nous ait appris comment apprendre…
De même que nous n’avons pas besoin de connaître l’anatomie pour apprendre à marcher, nous n’avons pas besoin d’un cours avancé en neurosciences pour apprendre à organiser notre pensée. Ce sont des choses simples, faciles à expliquer, faciles à transmettre par du jeu et dans le plaisir.
Savoir apprendre rapidement nous permet d’emmagasiner bien plus d’informations et de façon plus durable. Pour quelqu’un qui sait apprendre, parler plusieurs langues, explorer de nombreux domaines et métiers, ne sera qu’une formalité. Et il semble que notre soif d’apprendre est souvent proportionnelle à la facilité avec laquelle nous retenons et intégrons …
Dans ce cours, nous apprendrions dès le plus jeune âge à mémoriser (de plusieurs façons), à organiser l’information, à créer des liens entre nos connaissances, à organiser nos pensées, à doser notre créativité selon nos besoins, à solliciter nos mécanismes inconscients pour faciliter l’intégration à long terme et à adapter nos apprentissages aux expériences rencontrées. Ce dernier point semble anecdotique, mais il est pourtant essentiel pour l’étude des mathématiques par exemple !
Il faut aussi comprendre qu’un tel cours pose des bases solides pour d’autres apprentissages essentiels. Pour prendre un exemple, la mémoire est aussi un ingrédient essentiel de la construction de notre identité : apprendre à retenir c’est aussi par opposé apprendre à évacuer, à relâcher certaines expériences. Au final, cela nous apprend à choisir de quelle façon nos expériences nous impactent : l’étude de la mémoire prépare à l’étude de la résilience !
– Cours d’émotion
Apprendre à utiliser nos sens et à comprendre comment nous nous créons nos différents ressentis est aussi un apprentissage de base qui devrait être essentiel dès le cours primaire !
Comment se créent nos peurs et nos doutes ? Comment les rendre utiles ? Comment les écouter ou les dépasser ? Comment gérer un obstacle ou un événement traumatisant ? Comment se crée la confiance et comment choisir le type de confiance ? Comment ne pas être en réaction mais en création ? Comment gérer chaque émotion et quoi en apprendre ? etc.
La liste est longue, mais un enfant est à même de comprendre cela, si on prend le temps de lui expliquer, et de le guider dans cette exploration. Combien d’adultes ne se retrouvent-ils pas à ne pas savoir gérer les difficultés ou l’échec, à être victimes de leurs peurs ou de leurs colères, de leurs doutes ou de leurs représentations négatives ? L’estime de soi s’éduque, le bonheur aussi.
Ce serait aussi une éducation à la sensibilité : j’ai toujours pensé que l’étude de la littérature et de la poésie, pour prendre deux exemples marquants, était pénible à l’école pour beaucoup d’enfants, sauf à tomber sur un enseignant passionné… un cours d’émotion nous rendrait bien plus sensibles aux différents arts et sans doute à la création.
– Cours de communication
La communication est tout aussi importante avec soi qu’avec les autres. Avec soi, elle peut se résumer à une étude des processus inconscients, une exploration des états de conscience et des différentes facettes de notre personnalité. Elle est en continuité du cours d’émotion en nous apprenant à entendre nos besoins, nos désirs et à y réagir. Les neurosciences font progressivement voler en éclats la conception d’une conscience unifiée et rationnelle et nous met face à la complexité de notre identité, mais seule l’expérience de toutes le facettes qui nous composent nous permet de le comprendre réellement.
Quant à la communication avec les autres, elle regroupe en fait plusieurs matières : les bases sont l’étude des principes de suggestion, de la rhétorique, du story telling, en plus de la grammaire et de l’argumentation. A ce propos, nous sommes dans une culture qui a diabolisé l’art de l’influence, et nous apprenons tous à l’école que les sophistes étaient de bien méchants personnages… Pourtant, comment se défendre dans un monde ou règne la suggestion sans une maîtrise de ces procédés ? Nous fabriquons sans cela des victimes idéales et sans défense aucune pour les manipulateurs en tous genres.
A un niveau plus avancé, cette matière regrouperait entre autres choses l’étude de l’observation, du questionnement, mais aussi du charisme et du management : apprendre à fédérer, à inspirer et à partager font partie des thèmes qui y seraient étudiés.
– Cours d’adaptation
J’ai toujours ressenti cette matière comme manquant cruellement à l’école. Apprendre à s’adapter aux exigences de chaque matière, à son « esprit » pourrait déjà aider chaque élève à modifier sa façon de penser et d’agir. On ne réfléchit pas de la même façon dans un cours de mathématiques ou dans un cours de lettres. Les associations d’idées ne sont pas les mêmes, la construction du raisonnement non plus. Jamais un enfant n’apprend ces concepts, il se débrouille pour trouver par lui-même des clefs, et n’y arrive pas toujours. Combien d’enfants pourtant brillants sont bloqués dans un domaine, ne parviennent pas à avoir la forme de pensée qui convient, et finissent dégoûtés de certains domaines d’apprentissage ?
L’adaptation va ensuite bien plus loin, c’est un cours qui découle du cours de communication et avance de pair avec lui :
Par exemple, apprendre à collecter de l’information et à observer permet de découvrir les principes de la modélisation. C’est un thème qui mériterait un article à part entière, mais pour faire simple, la modélisation est notre première façon d’apprendre, celle dont nous disposons dès la naissance : nous observons et nous reproduisons jusqu’à savoir faire. C’est une méthode efficace et rapide. En grandissant, nous l’abandonnons bien trop souvent au lieu de la cultiver et de l’affiner. La modélisation permet de s’inspirer de ceux qui nous entourent, de rentrer dans la logique des personnes. Elle permet l’empathie et le transfert de compétences. L’apprentissage des langues par exemple, en serait grandement facilité : notre langue maternelle est apprise de cette façon, rapidement et efficacement.
L’adaptation regroupe bien d’autres thèmes : apprendre à jouer avec ses croyances, à changer de point de vue, à se renouveler, à se remettre en cause… C’est toutes ces compétences qui nous rendent solide face aux défis d’une vie.
– Cours d’organisation
Ne trouvez-vous pas étonnant que nous n’apprenions jamais à conduire un projet ? A planifier, à prioriser, à rendre cohérent ? Je pense que la difficulté qu’ont des personnes à créer leur entreprise, à monter des projets viables pourrait être considérablement atténuée avec de telles bases, tôt dans notre évolution. L’organisation amène à l’autonomie, à l’initiative, à la cohérence et renforce notre capacité à argumenter et à convaincre.
– Forger son identité
Nous en revenons ici à « deviens qui tu es ». Est-ce à proprement parler une matière à étudier, ou une forme de synthèse ?
Nos « croyances » sur nous-mêmes déterminent bien souvent la façon dont nous construisons notre identité. Trop de personnes s’envisagent à partir d’une nature prédéfinie et immuable et devant de telles idées, elles ne songent même plus à la possibilité de changer, d’évoluer.
Apprendre à un enfant comment on se forme une identité, et comment celle-ci est en perpétuelle évolution permet de développer des qualités précieuses. L’amener à tester, à sentir l’effet qu’auraient sur lui d’autres valeurs, d’autres formes de pensées, me semble être un des plus beaux cadeaux que l’on puisse lui faire.
L’une des clefs serait une adaptation du travail du comédien : l’exploration de toutes les facettes de soi, de tous les rôles pour n’avoir peur d’aucun d’entre eux, et choisir après cette exploration les ingrédients que l’on désire incarner, ceux qui nous parlent.
Un enfant apprendrait à se positionner par rapport à son héritage familial et culturel, à construire ce qui peut l’amener à évoluer vers ses rêves et ses buts, à se donner une direction et à avoir les éléments pour en changer si un jour le besoin s’en fait sentir.
Dans cet article, mon but n’est pas d’entrer dans les détails : plus qu’un article, c’est un livre qui permettrait le développement précis et rigoureux d’un programme scolaire construit à partir de ces idées. J’ai déjà pris beaucoup de notes sur ce sujet, au fil des années et peut-être qu’un jour prochain je prendrais le temps de les réunir de façon cohérente pour donner vie à un livre contenant cette proposition. D’ici là, j’en développerais peut-être certains passages dans de futurs articles, si certains d’entre vous en sont curieux.
Mais déjà, imaginons à partir de ces quelques idées. De quoi serait capable un enfant éduqué de cette façon ? A mon sens, quelqu’un qui développe ces capacités est fondamentalement libre.
Imaginons aussi quel impact aurait sur une société, un groupe d’enfants éduqués ainsi …. Il y a des révolutions que l’on ne voit pas toujours arriver, et il suffit de quelques individus pour les amorcer.
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]]>Je sais mon inconfort vis-à-vis du terme psychothérapie depuis mes premiers contacts avec l’hypnose et ses applications, avant même de me construire, année après année, une vision plus précise et plus claire de ce qu’est l’hypnose et de la façon dont elle agit en nous. Cet inconfort, il provient des présupposés qui accompagnent la seconde partie du mot : thérapie.
Un acte de thérapie sous-entend une recherche de guérison et par conséquent constate une maladie. Il suppose un état anormal, constitué par des symptômes et nous fait imaginer, par opposition, un état « normal », excluant ce qui pourrait s’apparenter à un dysfonctionnement… Or, je ne pense pas qu’il existe d’état mental que l’on peut qualifier avec certitude de sain, de normal. Cela sous entendrait une sorte de hiérarchie des états, dont la légitimité serait difficile à établir, et qui ouvrirait la porte à d’étranges dérives.
Bien entendu, je conçois aisément qu’une personne qui souffre d’une maladie, quelle qu’elle soit, doit être prise en charge par un spécialiste – un médecin a priori. Là n’est pas la question. Ce qui m’étonne est ailleurs : si l’on prend la réalité du travail des « psychothérapeutes » 99% des consultations données ne sont pas liées à des maladies. Il s’avère même que lorsqu’un psychothérapeute fait face à une maladie – mentale le plus souvent- il se doit, éthiquement et juridiquement, de l’adresser à un psychiatre, seul habilité à agir dans ce contexte.
De mon point de vue, les problématiques rencontrées par un psychothérapeute sont d’un autre acabit, et proviennent non pas d’un dysfonctionnement, mais d’un manque de connaissance de soi :
Car, pouvons-nous dire qu’une personne qui manque de confiance, qui est paralysée par une peur, qui n’arrive pas à se positionner ou qui se débat avec des comportements gênants qu’elle est malade ? Pouvons-nous dire qu’une personne qui a du mal à mémoriser, à se concentrer, à se fixer des objectifs et à mener des projets présente un dysfonctionnement ? Manquer de créativité, d’estime de soi, être obsédé par le passé ou prendre trop à cœur les stress du quotidien sont des traits de caractère gênants, tout le monde en convient… mais nous sommes loin d’une pathologie qui nécessiterait une guérison et donc une thérapie – qu’elle passe par la « psyché » ou par des molécules médicamenteuses.
Parfois, quand une personne est empêtrée dans un comportement générant un blocage dans sa vie, ses proches peuvent être amenés à lui dire quelque chose comme «Tu devrais aller voir un psychothérapeute ». Certains s’exclament en retour « Mais non, je ne suis pas fou ! ».
On pourrait y voir un problème de compréhension, d’éducation et penser que ces personnes ne savent pas ce qu’est la thérapie. J’ai souvent entendu ce discours, et je le trouve méprisant vis à vis de ces personnes et décalé de la réalité. Dans une telle réponse, je vois une simple réaction de bon sens commun.
Mon avis est que dans un tel cas, il serait plus cohérent de conseiller une réponse plus appropriée, comme celle d’apprendre à mieux connaître les fonctionnements inconscients, l’introspection, le « connais-toi toi-même ». C’est qu’un cerveau, ça s’éduque !
On pourrait penser que je pinaille ici sur les mots : au final, qu’on nomme une chose thérapie ou pédagogie … quelle est la différence ? Certains pourraient penser que l’important est le résultat, et qu’au fond, le résultat est le même ! Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse !
Mais le problème est plus profond. Les linguistes le savent : on pense avec les mots qu’on nous donne. On forme nos concepts et nos visions à partir de ces mots !
Dire à quelqu’un qu’il a besoin d’une thérapie suggère quelque chose de fort et d’aliénant. Sa réflexion se formera logiquement à partir des déductions évoquées plus haut :
« Je n’y suis pour rien, je suis malade, quelque chose en moi ne va pas, un spécialiste pourra régler le problème ! »
C’est une vision passive, dans laquelle le « patient » n’a pas de responsabilité et doit s’en remettre à une force extérieure.
Dire à quelqu’un qu’il pourrait apprendre à mieux utiliser ses capacités, c’est l’amener dans une réflexion et une vision totalement différente : une liberté, une capacité de choisir, d’apprendre. Ce n’est pas un savoir extérieur qui va lui venir en aide, mais bien ses propres ressources ! Ses capacités existent, il ne lui reste qu’à les explorer…
Nous connaissons tous la métaphore : un enseignant ne nous donne pas du poisson, il nous apprend à pêcher !
Alors quels sont les principes de cette pédagogie cérébrale ? Ils sont nombreux : mais deux d’entre eux permettent d’en comprendre les principaux mécanismes.
Nous avons vu que la plupart des problématiques adressées à des psychothérapeutes ne demandent a priori pas de thérapie au sens premier du terme. Pour aller plus loin, je dirais qu’il est même dommage de considérer ces problématiques comme étant négatives.
Bien entendu, une personne qui rencontre un problème en souffre, il ne me viendrait pas à l’esprit de le nier. Mais, si on prend le temps de regarder une telle situation avec un peu de recul, on s’aperçoit que bien souvent, ce qui est considéré comme un « problème » s’est mis en place en réaction, en réponse à une expérience. Ce fut un moyen, une tentative de réponse à cette situation.
Si un bébé pleure pour obtenir quelque chose, cela nous semble être un comportement normal et même adapté : à cet âge, les moyens de communiquer sont restreints et les options peu nombreuses. Puis, en grandissant, ce bébé découvre d’autres façons d’exprimer ses besoins : le langage non verbal et verbal par exemple. Sourire permet d’obtenir plus de chose que pleurer et expliquer une attente favorise les chances de la voir se réaliser. Toutefois, si un enfant n’est pas écouté dans une demande, il tente de trouver d’autres moyens d’obtenir ce qu’il veut et d’anciennes solutions peuvent alors remonter à la surface : se mettre à pleurer peut être l’une de ses tentatives. Si elle fonctionne, son cerveau la gardera en mémoire comme étant une réponse pertinente…
L’enfant devient adulte. Devant une difficulté émotionnellement similaire, une situation bloquée, son cerveau ira chercher d’anciennes réponses potentiellement utiles… même si elles sont, au fond, totalement inadaptées. C’est ainsi que des personnes peuvent rester bloquées dans des comportements anciens, dépassés, obsolètes. Seuls de nouveaux possibles peuvent lui permettre de sortir de cette ornière mentale et de mettre à jour ses capacités.
Si on élargit cet exemple, on peut en déduire qu’il n’y a peut-être pas de « bons » ou de « mauvais comportements » : cette vision est réductrice et immature. Tant qu’on pensait en termes de guérison elle était toutefois normale ! Mais si l’on parle en termes d’apprentissage, on s’aperçoit que tout comportement peut être utile dans un contexte donné, dans une situation particulière. Tous les comportements sont potentiellement intéressants !
Une personne est hypersensible ? La question n’est pas sa sensibilité en elle-même, mais son incapacité à la gérer dans certains contextes. Il est même possible que cette personne puisse apprendre à manier sa sensibilité pour l’ouvrir à des moments précis, et lui faire prendre du recul dans d’autres. Sans doute, dans ce cas, se sentira-t-elle à l’aise pour explorer bien plus sereinement ses ressentis et émotions, sans en avoir peur puisqu’elle peut agir sur eux. En fin de compte, sa sensibilité deviendra une qualité, un atout, utilisée à bon escient.
Enfant, nous apprenons en regardant les personnes qui nous entourent et en reproduisant leurs fonctionnements. Nous faisons semblant de parler avant de maîtriser le langage, mais c’est grâce à ce procédé d’imitation que nous progressons aussi vite dans ‘l’apprentissage de notre langue maternelle. A ma connaissance, il n’existe pas de cours de langue dans lesquels on cherche à reproduire les mouvements musculaires et les sonorités des pratiquants de cette langue pour s’approprier les rythmes et l’accent. Pourtant, les rythmes sont à la base du sens, ils rendent logiques la construction des phrases et facilitent grandement l’apprentissage de la grammaire…
En grandissant nous abandonnons donc rapidement la modélisation, qui prend une place très restreinte dans nos vies. Si elle est présente dans certains domaines (artistiques et sportifs par exemple, dans lesquels elle reste intuitive ou encore dans des modes de transmission de type compagnonnage), on a rarement vu un mathématicien expliquer en détail sa façon d’organiser l’information, de réfléchir et de penser. Pourtant, s’il avait en face de lui une classe d’enfants ayant des connaissances de base en modélisation, une telle explication lui rendrait d’énormes services dans sa transmission : ses élèves pourraient s’adapter à sa façon de parler et d’expliquer. En conséquence, la compréhension serait de meilleure qualité, ainsi que l’implication de chaque élève : les raisons de se sentir perdu ou en décalage seraient fortement amoindries ! Et surtout, disposer des stratégies mentales d’une personne qui est à l’aise dans son domaine est une immense valeur ajoutée ! On s’en doute, le temps et l’énergie gagnés seraient considérables.
Quel est le lien avec notre domaine ? Il y en a plusieurs.
Tout d’abord, si l’on revient sur l’idée précédente, on s’aperçoit que le nombre d’options à notre disposition est une donnée essentielle dans notre vie : souvent, une personne en difficulté est bloquée dans un schéma, un système rigide qui ne fonctionne pas ou plus. Un praticien en hypnose va l’aider à se créer d’autres systèmes adaptés à sa vie actuelle. Ce faisant il lui apprend à utiliser son cerveau pour être plus flexible. Pour ajouter de nouvelles options, il est utile de pouvoir apprendre des autres, s’inspirer d’eux et donc modéliser.
Il y a une anecdote que j’apprécie beaucoup à ce sujet et que raconte Richard Bandler. Quand il s’est intéressé à la dyslexie, il a lu ce qu’il trouvait sur ce sujet et en a conclu que l’on savait très bien comment fonctionnait un dyslexique… mais il n’a trouvé aucune information ou presque sur la façon dont fonctionne une personne qui ne l’est pas ! Adepte de la modélisation il a donc commencé à s’intéresser à ce sujet en se disant que la dyslexie n’était pas un problème, mais qu’il lui fallait surtout comprendre comment enseigner à un dyslexique une autre façon d’organiser l’information. C’est en observant des personnes qui avaient des fonctionnements « normaux » qu’il a commencé à avoir des solutions qui se proposaient. Il a alors pu montrer aux dyslexiques d’autres façons de fonctionner …
Un praticien en hypnose développe cette faculté d’observation et de modélisation, lui permettant de varier à l’infini ses stratégies et d’apprendre rapidement. Il ne regarde pas si son client a un « problème », il considère seulement la stratégie mise en place et entend son caractère inconfortable… tout en sachant qu’elle peut être améliorée ou changée. Et que cette stratégie inconfortable pourrait sans doute servir à quelque chose, dans un autre domaine : imaginez ce qui serait possible si un insomniaque et un narcoleptique pouvait partager leurs fonctionnements cérébraux et apprendre l’un de l’autre !
Prenons un autre exemple : celui de la mémoire. De nombreuses personnes ne sont pas satisfaites de leur capacité à mémoriser. Je travaille régulièrement sur ce sujet et au début du travail, il m’arrive de demander à mes clients comment ils font pour mémoriser. Bien entendu ils sont incapables de répondre de façon précise. Je leur demande alors si ils ont appris à mémoriser, et la réponse est évidemment non. Je joue souvent à m’en étonner. « Comment ? Vous n’avez jamais appris à utiliser votre mémoire ? N’est-ce pas étonnant ? ». Personnellement je trouve ça très étonnant que l’école n’ait pas inclus cette notion dès notre plus jeune âge.
Si on pose des questions précises sur ce qui se passe dans la tête d’une personne qui apprend, on finit par découvrir son processus de mémorisation. Pour chacun de nous il est différent. Certains sont à l’aise pour mémoriser des sons, d’autres gravent facilement les images, tandis que d’autres encore retiennent les mouvements ou les sensations. La liste des types de mémorisation est bien plus longue, mais cela donne une idée des possibles.
Avoir une bonne stratégie de mémorisation est une chose, mais l’idéal est d’en avoir plusieurs pour s’adapter au type d’apprentissage : quelqu’un qui a une très bonne mémoire auditive peut avoir des difficultés à mémoriser un texte écrit. Et une personne qui a une mémoire visuelle peut être démunie devant un apprentissage qui demande l’exécution de mouvements. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise mémoire, et finalement peu de problèmes « pathologiques » de mémoire. Il existe avant tout des stratégies inadaptées, ou imprécises… Elles ont une origine : le manque d’information. Personne ne nous a appris comment on fonctionne !
Comme dans toute discipline et dans tout apprentissage, l’information est la clef.
Pour changer et apprendre, il nous faudrait une éducation qui prenne en compte plusieurs éléments :
Ces éléments, un praticien en hypnose peut les transmettre à ses clients. C’est même le cœur de son métier. Je fais ce travail depuis des années, et souvent je me demande comment serait notre société si, au lieu de tenter de pallier à ce manque d’information avec des adultes qui en ont souffert pendant une grande partie de leur vie, on transmettait directement l’information à des enfants, afin qu’ils puissent se construire plus librement, et peut-être éviter de développer les difficultés de leurs aînés.
De là imaginer que des cours d’hypnose devraient être introduits à l’école, il n’y a qu’un pas ! Je vous propose d’en franchir un de plus : à votre avis, à quoi ressemblerait une école pensée par des hypnotiseurs ? Cette jolie utopie fera l’objet de la seconde partie de cet article…
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]]>Dans les mails que je reçois, la demande de conseils en lien avec la pratique du rêve lucide est sans doute l’une de celle qui revient le plus régulièrement… Rêver de façon lucide est sans doute l’une des expériences les plus riches et puissantes qui soit : l’espace de liberté infinie que permet le rêve ouvre la porte à une exploration sans limite de l’inconscient.
Comme il n’est pas toujours évident de donner des indications sur une pratique aussi particulière et déroutante, je me suis dit que le plus simple était encore de vous faire partager mes premières expériences dans ce domaine et les différentes étapes qui m’ont permis de parvenir à « rêver » … en espérant que ceux qui s’intéressent à cette pratique puissent y trouver de la matière et des idées pour les aider dans leur cheminement et leurs explorations !
Ma découverte du rêve lucide remonte à mes 14 ans : j’étais en seconde et ma pratique de l’auto-hypnose en était à ses balbutiements. A cette époque, je lisais Patrick Drouot et C.G. Jung : étrange mélange et surtout étranges lectures, mais ces auteurs me fascinaient. Le premier pour ses expériences troublantes qui remettaient en cause ma vision du monde, et le second pour son intelligence et sa poésie. Avec le recul, je me dis que par ces lectures, l’idée du rêve était déjà présente dans mes réflexions, pourtant je ne me souviens pas y avoir accordé à ce moment une réelle importance.
Les choses ont changé quand j’ai entendu parler pour la première fois de Carlos Castaneda. J’étais tombé – je ne sais plus de quelle façon- sur le livre de B. Dubant et M. Marguerie « le saut dans l’inconnu », une sorte d’analyse de l’œuvre de Castaneda – livre que j’ai relu il y a peu et que je conseille fortement à tous ceux qui s’intéressent à ce personnage – et, immédiatement, ça a été le coup de foudre ! C’était limpide, les mots raisonnaient en moi avec force et évidence : j’étais envahi par le sentiment d’être face à ce que je cherchais depuis longtemps… Quelques jours après, j’avais devant moi tous les livres de Castaneda et je les dévorais avec avidité.
En filagramme de ces lectures, un thème revenait : la pratique du rêve. Je sentais qu’il y avait ici une clef, quelque chose qui allait me faire avancer plus vite et m’aider à mieux comprendre ce qui, en moi, m’échappait.
Je n’en étais pas encore à imaginer à cette époque que j’allais vraiment devenir hypnotiseur et que je consacrerai ma vie à explorer mon inconscient et celui des autres, mais je ressentais déjà, sans doute, un appel très fort, une poussée qui m’entrainait dans cette direction.
Tentant de rassembler les bribes d’indices laissés par Castaneda, je décidais de tenter, chaque soir, de me réveiller dans un rêve : première étape logique sur le chemin du rêve lucide.
De mes lectures, je déduisais principalement deux idées :
Après quelques jours, je connus un premier succès, très relatif : au milieu de la nuit, au cœur d’un rêve, un élément incohérent m’a surpris et m’a fait douter… j’ai pris conscience que j’étais dans un rêve !
Alors, la conscience a pris un peu plus de place, suffisamment pour que je me souvienne que je devais regarder mes mains… et là, une question, toute bête, toute simple, m’est venue : comment bouge-t-on dans un rêve ? Drôle de question ! Bien trop consciente malheureusement : je me suis retrouvé éjecté du rêve, assez violemment.
Immédiatement, mon corps m’a semblé être totalement paralysé, et je m’aperçus très vite que cette sensation existait au-delà du rêve : je suis à nouveau allongé sur mon lit, mais incapable de bouger et de respirer. Accélération cardiaque, moment de panique : je vivais ma première paralysie du sommeil ! Ça n’a sans doute duré qu’une poignée de secondes, mais avec une belle angoisse. Quand on n’a jamais entendu parler du processus, qu’on ne sait pas que c’est « normal », la sensation est plutôt effrayante !
J’ouvre ici une petite parenthèse : ayant rencontré depuis de nombreuses personnes intéressées par le rêve lucide qui sont passées par cette même étape, je conseille à ceux qui abordent cette pratique de se renseigner quelque peu à ce sujet, pour éviter l’effet de surprise : une fois celle-ci passée, la paralysie du sommeil est même un état intéressant à créer, à explorer… quelques informations donc, à creuser : http://fr.wikipedia.org/wiki/Paralysie_du_sommeil
Après cette première expérience mitigée, ce fut une longue période de stagnation… Je ne sais pas si la peur de la paralysie a joué ou non, ou si mon attente était si forte que j’ai fini par me bloquer – un peu comme ces personnes qui désirent tellement se détendre qu’elles augmentent leur niveau de stress – toujours est-il que la frustration était le seul résultat obtenu : jour après jour, ou plutôt nuit après nuit, je m’éveillais après un long tunnel d’inconscience, avec au mieux le souvenir de certains rêves – maigre consolation ! -, mais sans aucune trace de prise de conscience au milieu de la nuit.
J’ai testé un tas de choses : m’endormir assis, pensant que cette position allait me réveiller au moment où, entrant dans le sommeil, ma tête allait chuter ; boire énormément avant de dormir ; m’endormir avec une musique pour l’entendre dans mes rêves et me souvenir qu’elle était présente dans ma chambre… bref, tout ce qui me semblait favoriser un lien entre le monde intérieur et le monde extérieur y passait, mais sans succès : je me réveillais, chaque matin, déçu d’avoir encore perdu une nuit à « simplement dormir ».
Mes souvenirs sont sans doute inexacts, mais je crois qu’il m’a fallu au moins 2 ou 3 mois avant d’avoir une nouvelle idée pertinente… C’est venu le jour où je me suis dit que tenter de rêver une seul fois par nuit était une perte de temps énorme.
J’avais depuis peu sur ma table de nuit un réveil avec une fonction « snooze », vous savez cette fonction qui permet de repousser à chaque pression la sonnerie de 8 minutes : une sorte de grâce matinale. Je décidais alors de mettre cette fonction en marche dès le soir, et de fractionner ma nuit en autant de périodes de 8 minutes qu’il en faudrait pour que je finisse par me réveiller dans mon rêve.
Si mon moral était plutôt bon pendant les premières heures, rapidement l’exercice a tourné à la torture : au milieu de la nuit, les sonneries me semblaient de plus en plus rapprochées, jusqu’à avoir la sensation d’avoir à peine eu le temps de cligner des yeux entre deux réveils désagréables …
Tentative après tentative, je plongeais dans un sommeil tout ce qu’il y a de plus ordinaire, avec des rêves parfois, et d’autres fois un black-out total. Pourtant, au petit matin, un peu déphasé, je commençais à avoir la sensation que la frontière entre la conscience et l’inconscient était plus mince, que je restais conscient un peu plus longtemps au moment où je m’endormais, jusqu’à maintenir ma lucidité pendant quelques précieuses secondes supplémentaires après que mon corps se soit endormi. 3 ou 4 expériences similaires m’ont fait sentir que j’étais sur le bon chemin… mais il était déjà l’heure de se lever, et de repasser à d’ennuyeuses activités de jeune lycéen.
J’ai un drôle de souvenir de la journée qui a suivi. Je crois que la fatigue – liée à l’obsession du rêve lucide – m’a donné l’impression d’un léger décalage, une sorte d’état modifié de conscience permanent. Je me sentais comme dans ces films où pour montrer que le personnage rêve, ou fait un « flash-back », le réalisateur ajoute un léger flou à l’image… et surtout je sentais que la frontière de mon inconscient pouvait être traversée, que je commençais à sentir comment y parvenir. A vrai dire, je luttais à chaque instant pour ne pas m’endormir pendant mes cours, mais le soir même, je décidais de continuer mon expérience.
Cette fois par contre, j’ajoutais un élément : dans les thèmes évoqués par Castaneda, revient l’idée du chasseur. Sans rentrer ici dans les détails – ce qui nous écarterait du sujet – se cache derrière ce thème l’idée de l’imprévisibilité : pour faire simple, il s’agit de chasser ses propres habitudes pour ne pas en être prisonnier. Selon Castaneda, un chasseur pose des pièges sur le chemin de ses routines, afin de les déceler et de les combattre… je décidais d’appliquer la méthode à cette fâcheuse habitude qu’avait le sommeil de m’entrainer dans l’inconscience !
Le soir donc, je réglais à nouveau mon réveil, et patiemment, j’attendais le sommeil…
Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de vous construire une représentation mentale, métaphorique, de l’endormissement : pour moi, l’image qui me vient est celle d’un voile qui me recouvre et me coupe de la réalité. Je me figurais donc le sommeil comme une entité – ce voile – attirée au moment où mon corps et mon mental étaient dans les bonnes dispositions pour être entrainé dans l’inconscience.
Je faisais semblant de dormir, attendant le sommeil, patiemment, comme un chasseur attend que sa proie tombe dans son piège… et au moment où je le sentais tout proche, à l’instant où je sentais que j’étais à deux doigts de me faire emporter, je décidais d’entrer volontairement en contact avec lui : mentalement, je plongeais littéralement dedans.
Cela produisit une différence : j’étais acteur et non plus spectateur du passage dans le sommeil. Dès la première fois, l’effet fut concluant : je conservais un peu de conscience de l’autre côté ! C’était fluctuant, ça tanguait comme un bateau pris dans une tempête, je sentais que ma conscience peinait à s’accrocher et à s’installer dans un endroit où elle n’avait pas habituellement sa place…
L’idée de regarder mes mains revient alors, et cette fois j’y parvenais : cet acte simple, que j’avais recherché tant de fois produisit un instant de calme, comme une ancre qui venait me stabiliser.
Je regardais autour de moi : j’étais dans un lieu étrange, illogique, mouvant, typique d’un rêve … et j’entendais mon réveil sonner à l’extérieur de ce lieu. Je savais que la réalité était de l’autre côté. Et je décidais de ne pas y aller.
Cela a du durer quelques secondes, tout au plus : une petite peur de ne pas rester dans le rêve suffit à m’en faire sortir. Ah ! Les réflexes de la conscience … C’est allé très vite, accélération cardiaque, légère paralysie du sommeil et la sensation d’être éjecté avec force… mais j’avais réussi !
Je crois que j’ai mis une bonne heure avant de pouvoir m’endormir à nouveau, trop excité par cette première victoire. Et la suite de la nuit fut tout aussi positive : les périodes de 8 minutes alternaient des échecs mais aussi des réussites de plus en plus intéressantes… jusqu’à ce que je n’entende plus mon réveil sonner, ou que je finisse par l’éteindre de façon presque somnambulique comme si mon cerveau n’avait plus du tout envie que je me réveille : j’étais épuisé. Mais l’essentiel était là : j’avais appris à rêver !
Par la suite, les choses sont devenues plus simples : l’endormissement conscient et le réveil dans le rêve ont commencé à être plus réguliers. J’ai parfois repris mon réveil automatique pour des périodes de quelques heures afin de gagner en maîtrise, mais je ne me suis plus infligé de nuits entières à ce rythme : une fois ce premier cap passé, l’apprentissage s’est accéléré naturellement et l’exploration a pu vraiment commencer…
Ce serait long de raconter dans cet article tout ce que j’ai pu tester et apprendre avec le rêve lucide, je pense juste qu’il s’agit d’une des explorations mentales parmi les plus riches qui soit, et je ne pense pas que j’aurais pu vivre et réaliser autant de choses dans ma vie sans l’aide de cette pratique.
Peut-être qu’une prochaine fois sur ce blog, si cela vous tente, je parlerai de certaines expériences qui me semblent particulièrement intéressantes avec le rêve, comme la création du double ou le conseil de génies… En attendant, je vous souhaite de belles explorations oniriques !
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